FIGURES TOMBALES D’ORIENT
Jean-Marie KOUAKOU
Professeur titulaire, Université Félix Houphouët-Boigny
Penser la mort…un rien de pensée…une variété de somnolence.
(Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling)
Connaissance de l’Est est un recueil de poèmes – en prose – que Claudel a écrit puis publié dans une perspective orientaliste d’herméneutique et de découverte, pour l’Occidental qu’il est, de la culture orientale et chinoise, en particulier dans les coutumes et traditions les plus anciennement ancrées de ces endroits du monde. Du reste, au sujet des poèmes qui composent ce recueil, Stanislas Fumet, auteur de l’introduction à l’Œuvre poétique de Paul Claudel, où ces poèmes figurent donc, dit fort à propos, qu’ils sont « suggérés par le spectacle de la vie et des formes de l’Orient. »[1] La mort y est pourtant présente ; elle y apparaît même plusieurs fois et plutôt sous la forme et la dénomination explicite du mot tombe en propre, ce monument funéraire dénoté sans détours, à chacune de ses énonciations, dans ce recueil qui en livre une partielle anthropologie et une figure. Ainsi, par une première formulation, la tombe y porte-t-elle le titre d’un poème : “Tombes-rumeurs.”[2] Par une deuxième, elle intitule un autre “La tombe.”[3] Tous ces deux textes décrivent un espace de sépulture antique d’Orient qui ancre le sens des contenus, leurs significations cachés derrières des symboles. Quelques autres poèmes évoquent aussi le thème mortuaire. Mais c’est par allusions, par glissements de sens qui, se rapprochant chacun à sa manière de ces autres poèmes du recueil et que sont “La nuit à la véranda”[4], “Tristesse de l’eau”[5], “La navigation nocturne”[6], par exemple, charrient, sans être vraiment explicites, une idée de fin et de “Dissolution”[7]. Il est justement question, dans ce dernier poème, de sa propre fin, imagée par le poète :
« Quand je serai mort (…) Quand je serai enterré entre mon père et ma mère. (…) Dans l’intérieur de la terre se dissoudra le sacrement de mon corps (…) Tu le vois, tout est dissous et je chercherai en vain autour de moi trait ou forme. Rien, pour horizon, que la cessation de la couleur la plus foncée. La matière de tout est rassemblée en une seule eau, pareille à celle de ces larmes que je sens qui coulent sur ma joue, pareille à celle du sommeil quand il souffle de ce qu’il a de plus sourd à l’espoir en nous… » (“Dissolution”, p. 119-120.)
Ce poème –“Dissolution” – achevant Connaissance de l’Est, comme à l’effet inverse, je dirais à rebours, d’un excipit, est exposé non pourtant pour achever en rappelant le ton de l’ensemble de l’œuvre, mais pour proposer en réalité et en même temps un incipit qui entame. Me faudrait-il donc concéder qu’il y aurait déjà là une fascination de la mort (image princeps) et quelque chose que le monde mortifère y suggère, de tristesse voire de peur et de pleurs, ou de larmes, dans ce recueil ? Ou bien simplement, devrais-je me demander s’il y a, au moins, fascination du ténébreux ; voire, peut-être plus généralement, une relative attirance d’un certain imaginaire du ténébreux, comme chez les romantiques larmoyants du début du XIXème français ? Rien, en réalité, ne rappelle vraiment de ce Claudel, le « cantique de “Ténèbres” » dont Stanislas Fumet dit, avec raison, qu’il est la page la plus noire de son œuvre lyrique. »[8] Non, bien loin de là et au contraire même, la mort qui s’évoque dans les poèmes les plus explicites de ce recueil dit Connaissance de l’Est – au moins par les termes qui les dénotent si explicitement (« Tombes-rumeurs » et « La Tombe ») –, n’est appelée, malgré le caractère morbide qui traverse par endroits ces passages, que pour, semble-t-il, décrire, un pays, une région. Ce sont des lieux funéraires, des lieux d’ensevelissement des corps, des cimetières et, avec eux, les rites qui leurs sont culturellement accolés, qui fournissent dès lors, au lecteur, une espèce d’ésotérisme, d’anthropologie, d’herméneutique, de significations et de symboles ; et qui fournissent également à celui qui veut bien, comme Claudel interroger ces paysages, les contenus du symbolisme des sépultures chinoises présentées dans leur primordiale antiquité même : simplement, tels quels.
En l’occurrence, c’est donc à la fois une architecture funéraire et une symbolique orientale – chinoise plus précisément y attachée – que Claudel, pèlerin pour l’occasion, semble vouloir étudier et comprendre à travers cette espèce de pèlerinage d’Orient à laquelle il se livre ici. Car il est bien dit, à l’orée de ladite nécropole, qu’on y accède, accompagné de ce visiteur intéressé, par un chemin ; et que, avec lui, « nous entrons dans le pays des tombes. »[9] Ou encore que, comme dit le marcheur, « préparant mon cœur, par la route des funérailles, je me mets en marche au travers de ce lieu réservé à la mort. »[10] Lui-même (Claudel), se disant du reste « hôte des morts » (p. 44.), « habite ce pays de sépultures » (p. 43.) qu’il revisite – comme on visite une ville. Car, c’est en réalité sans jamais vouloir entrainer son lecteur – par rapport à l’idée et à l’imaginaire que l’on se fait généralement de la mort – dans d’effroyables et effrayants récits de fantômes : à travers d’inquiétants appels d’esprits errants ou d’enfers de feux dévorants qu’on a donc coutume d’associer aux nécropoles anciennes, ces antiques cités des morts, paysages maudits que l’art et la littérature célèbrent pourtant parfois. D’un mot, on dira que c’est plutôt simplement en anthropologue et surtout en pèlerin qu’il pénètre en ces lieux : à l’image de « l’Étoile du soir (…) comme un saint en prière dans la solitude. » (p. 41.) Et si la mort devrait donc avoir un visage qui la figurerait en cette œuvre, ce serait bien entendu seulement celui de ces tombes chinoises elles-mêmes, visitées en tant que sépulcres. La figure définissant un fait, ce qui a lieu, comme dit Deleuze[11], la tombe apparait en effet ici seule, finalement détachée de la mort qui elle disparait de la scène (au sens le plus sémiotique de ces modes de paraître) parce qu’elle s’efface du tableau décrit. Sans la mort ni le mort donc, puisque, au bout du compte en effet, il est constaté que :
« Seule du lieu la disposition demeure avec l’idée. Les pompeux catafalques n’ont point retenu le mort, le cortège défunt de sa gloire ne le retarde pas ; il franchit les trois fleuves, il traverse le parvis multiple et l’encens. Ni ce monument qu’on lui a préparé ne suffit à le conserver ; il le troue et entre au corps même et aux œuvres de la terre primitive. » (“LT”, p. 74.)
Si bien qu’on retiendra avant tout – de la peinture qui en ici faite en tout cas – l’architecture, le sépulcre, le monument, en eux-mêmes, et non l’émotion de la perte du défunt dans ce poème étrangement débarrassé de la fonction expressive. Le site funéraire, quant à lui, résiste bien au temps, on le devine et on le comprend. Il n’est, curieusement, pas le signe de la mort ni des morts puisqu’il les transcende en quelque sorte de sa permanence. Pourquoi ? L’évidence en souligne le fait et l’implacable constat : « O ruines ! la tombe vous a survécu, et à la mort elle-même le signe parfait dans le brutal établissement de ce bloc. » (“LT”, p. 74.) Deux ordres architecturaux et de disposition de ces tombes distinguent ainsi, pour le lecteur du recueil tout autant que pour ce pèlerin Claudel, visiteur de circonstance, deux espaces bien particuliers dans ces deux poèmes si justement écrits à part, séparés l’un de l’autre.
Ainsi, d’un côté justement, on découvre une nécropole où les princes des dynasties ont coutume de se faire inhumer et qui n’est pas sans rappeler ce fameux cimetière dit de l’Est qui, dans l’Égypte ancienne, était la partie réservée de la nécropole où l’on trouvait réunies les sépultures de la notabilité, celles des illustres dynasties de règne. En ce lieu bien réservé aux rois et à leurs descendances, se trouvaient en effet naturellement rassemblées la sépulture des personnages importants de ces familles. C’était, pour être précis, à l’époque des fils de Khéops, Kaouab Ier, Hordjédef et Khoufoukhaf. Ce type de nécropole princière dynastique, monopole réservé à l’aristocratie donc – chez Claudel nommément désigné comme « le trône de la Mort même, l’exhaussement régalien du sépulcre »[12], ou encore le « large tumulus [qui] cache, dit-on, les trésors et les os d’une dynastie plus antique »[13] – on le voit uniquement dans le poème intitulé “La Tombe”. On trouve en effet dans ce texte, également décrit, la sépulture avec le sépulcre des souverains des dynasties chinoises passées. Et, d’autre part, à côté, il y a conséquemment l’autre nécropole : la commune, celle moins princière, destinée au commun des mortels, qu’on trouve dans l’autre poème, celui au titre de “Tombes-Rumeurs”. Ces deux cités des morts offrent aux lecteurs un premier niveau d’interprétation qui n’a rien de la coloration lyrique habituelle du romantisme attaché à la peinture des cimetières et des lieux funéraires où l’on vient pleurer et rechercher, par exemple comme Gérard de Nerval dans Aurélia, l’être défunt et encore aimé.
L’interprétation est donc plutôt à prendre et à comprendre du côté de la mythologie, du symbolisme voire de la tradition dérivée de l’ésotérisme chinois qui va avec. L’originalité du rapport aux lieux funéraires dans ces poèmes de Claudel se situe exactement à ce niveau. On y décèle une même idée, symbolique, de verticalité, à la fois aérienne et basse, de géométrie pythagoricienne où les formes et les figures contiennent et ramènent toujours à une idée, à un principe. L’entreprise reste empreinte d’admiration voire de fascination vis-à-vis de ces lieux funéraires qui consacrent, manifestement, la division du sacré avec le profane. Mais on y décèle aussi et avant tout, une idée d’architecture départie de la mort elle-même laquelle, s’échappant curieusement du sépulcre qui aurait dû la contenir en quelque sorte, ne peut, ici, être véritablement saisie ni par l’attention, ni les sens ni encore par l’entendement du poète visiteur interprète des lieux.
Anthropologie, Profane, Sacré : la division des territoires
S’il nous faut cependant retenir ce qui se lit ainsi, au premier abord, dans cette partie tombale de l’œuvre, c’est en réalité une impression de civilisation qui ne renie ni ne dénie la mort pourtant. Nous sommes en effet ici bien loin de l’époque moderne à propos de laquelle « Walter Benjamin écrit qu’au cours du dix-neuvième siècle “la société bourgeoise avec ses institutions hygiéniques et sociales, qu’elles soient privées ou publiques, a réalisé un but accessoire, inconsciemment peut-être son but principal : donner aux gens la possibilité de dérober les mourants à tous les regards” (…) L’acte de mourir, au cours des Temps Modernes, est soustrait de plus en plus à l’attention des vivants. »[14] Bien au contraire donc, la société chinoise décrite ici par Claudel rappelle plutôt, « les Tableaux du Moyen-âge, où le lit des morts est devenu un trône vers lequel le peuple à travers des portes grandes ouvertes de la maison se presse. »[15] En cela, une telle société pourrait être dite pré-moderne. Car, comme le soutient justement Macho, elle est essentiellement caractérisée par des rapports particuliers aux défunts. Du reste, le texte qui le rappelle bien, nous apprend qu’« elle s’occupe des défunts et non de la mort. »[16] C’est pourquoi ainsi, dans “Tombes-Rumeurs”, « à chaque instant on va à la tombe de la famille, on brûle de l’encens, on tire des pétards, on offre du riz et du porc, sous la forme d’un morceau de papier on dépose sa carte de visite et on la confirme d’un caillou. » (TR, p. 42.) De toute façon, il était déjà vrai que dans ce pays, « les morts dans leur épais cercueil restent longtemps à l’intérieur de la maison » avant d’être portés en plein air et être ensevelis « avec grand soin dans la résidence funèbre. » (TR, p. 42.) C’est dire le lien d’attachement des vivants qui existe avec les corps défunts au sein de cette culture funéraire antique chinoise perpétrée jusqu’à l’époque où Claudel en pénètre l’intimité.
Et si ce dernier n’est, du moins à ce stade de sa production littéraire, pas encore à écrire ses poèmes religieux et chrétiens, il épouse donc cependant ici déjà une version d’anthropologie spirituelle chinoise – certes de mystique – qui a, de la mort, une idée symbolique et ésotérique qu’il découvre avec ce curieux pèlerinage en territoire sépulcral. Il y s’agit surtout de hauteur voire d’élévation où, peut-être, se devinent déjà celles de ces transhumances espérées, chrétiennes, qu’on découvrira dans les poèmes futurs du poète : une verticalité se lit en effet, par des liens établis entre terre et ciel et elle étire sur le mode symbolique. Elle s’étire également, vers le haut, au premier abord du moins.
Il faudrait du recul, de la retenue certes pour convenir d’une telle interprétation. Car une nécropole, en soi, est en principe détachée des lieux de culte. Elle n’est pas sacrée et ne tient pas, par exemple, de l’ordre du cimetière médiéval qui a vu l'extension des lieux de culte se conjoindre à son environnement funéraire sacralisé. Mais, ici, comme par l’effet d’un territoire qui s’installe et qui campe, se dégage l’impression de la séparation : la ville d’une part, la cité des morts de l’autre ; le profane d’une part et le sacré de l’autre. L’espace funéraire chinois, tel qu’il est ici décrit, est en effet un pays en soi, érigé loin du monde des vivants, en hauteur dans les montagnes, clos, avec un portail, en guise de clôture du périmètre, et une législation interne propre. L’altérité vivante visiteuse des lieux n’y accède donc que par une discrète autorisation accordée audit visiteur qui reste cependant tenu par la condition de respecter les consignes de séjour sous peine de ne pas être admis à y pénétrer :
« Au fronton du portail funèbre je lis l’intimation de mettre pied à terre ; à ma droite quelques débris sculptés dans les roseaux, et l’inscription sur un formidable quartier de granit noir avec inanité détaille la législation de la sépulture ; une menace interrompue par la mousse interdit de rompre les vases, de pousser des cris, de ruiner les citernes lustrales. » (“LT”, p. 72.)
La spatialité ainsi close, par les limites de sa propre topographie, définit un lieu et une fonction. Cela en fait incontestablement une topologie qui se détermine avant tout ici par ses limites formelles et ses contours dont le portail d’entrée est le témoin le plus parlant. C’est notamment le cas, lorsqu’il faut donc, audit lieu, signifier la relation au mortuaire tenant les corps des défunts, entre eux, d’une part sémantiquement porteurs d’une même propriété, et les visiteurs, avec les morts, d’autre part, en liaison. Une telle spatialité se comprend alors comme le fruit d’une découpe et d’une séparation que trois éléments imposent : le Droit d’abord qui, écrit sur la façade, instaure d’emblée un ordre à tenir et de disjonction à ne pas franchir ; le texte poétique ensuite qui, s’organisant de même, sépare les deux espaces en les exposant sur des pages (pagus)[17] différentes. Le religieux, lui-aussi qui, enfin, confirme la division, à sa manière. Le Droit impose lui un comportement nouveau – de respect des lieux – à celui qui entrant dans l’intimité de cet espace est sommé de se départir de son vestige ancien ; le poème, quant à lui, décrit à son tour séparément lesdits espaces respectifs ; le religieux, définit finalement et pour ce qui est de son ressort, un partage peut-être héritier de ce que Michel Serres appelle la tradition du couteau – entamée depuis les sacrifices bibliques – qu’il juge « s’attaquant à tout : homme, bête, Abel, Caïn, Isaac… » Cette tradition, qu’il rappelle de la sorte, lui permet justement de conclure qu’un « coupe-gorge sépare l’espace du temple, dessine, d’abord, une ligne fermée : à l’intérieur le sacré, à l’extérieur le profane. Le terme élimination signifie l’expulsion de tout au-delà du limen ou frontière. Ainsi une ville s’enferme dans ses murailles et laisse la campagne dehors. »[18]
De même, on pourrait dire, pour coller au motif de la lecture de ces deux poèmes de Claudel, qu’une double nécropole s’y enferme, elle aussi, dans ses murailles et notamment là-haut, dans les montagnes qui surplombent la ville et qu’elle laisse ainsi la biopole dehors, hors de ses frontières, pour se définir dans sa pertinence même. La nécropole est en effet dans « les collines (…) du côté opposé de la vallée [et est située dans] d’autres montagnes à perte de vue forées de tombes comme une garenne de terriers. » (TR, p. 43.) C’est pourquoi, il est explicitement spécifié, à l’endroit du lecteur, que, puisque, « J’habite moi-même ce pays de sépultures », logiquement, « la ville se trouve là-bas, de l’autre côté du large Min jaune qui, entre les piles du pont des Dix-Mille-Âges, précipite ses eaux violentes et profondes. » (TR, p. 43.) Une description précise accompagne d’ailleurs l’évocation du lieu urbain pour le rendre pertinent, c’est-à-dire distinct de cette nécropole. Claudel en retient, particulièrement, une caractéristique que ladite cité tient de la qualité du vivant qui l’habite mais qui l’oppose, en se distinguant ainsi d’elle, de la cité des morts. D’où cette constante évocation, à propos de l’urbain, de « la voix humaine », de « cela que je viens écouter », d’une « clameur à la fois torrentielle et pétillante » pour déterminer le caractère distinctif oral de la ville où Claudel dit « écoute[r] cette multitude parler. » (TR, p. 43.) La ville est donc, par métaphore, une bouche qui parle, un bruit, une rumeur qui contraste avec le silence des cimetières.
Mais rien ne tient cependant vraiment de la clôture isolante : cette rumeur qui caractérise la ville trouve, en effet, son pendant et son prolongement dans la tombe qui, elle, caractérise la nécropole. D’où la conjonction qu’opère le titre même du poème n’indissociant pas les deux entités par le tiret ré-unissant, à travers cet énoncé, une expression unique en deux termes : « Tombes-Rumeur. » L’espace funéraire, fût-il donc sacré et possédant sa législation propre, demeure ainsi ouvert… aux vivants et attaché á eux. Certes l’accès leur reste difficile : il leurs faut, comme le poète, « monter, descendre, tourner, se détourner » par un chemin sinueux, la région étant montagneuse. Mais ils y entrent malgré tout et y sont même admis. C’est parce que la nécropole ne définit pas qu’un lieu ici : elle représente une forme particulière du culte des morts et aussi de « la mort [qui] en Chine, tient autant de place que la vie. » En effet, comme il est écrit dans ce texte, « les liens entre les vivants et les morts se dénouent mal. » (TR, p. 42.) C’est peut-être pourquoi, dans ce poème, il est dit que « les morts, au large, en bon lieu, ouvrent leur demeure au soleil et à l’espace » (TR, p. 42.), quand bien même que, on le tient de La Rochefoucauld, « le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement. »[19]
Le fait de passer la frontière ouvre donc et ouvre à un « nouveau locus »[20], à un nouveau lieu qui transforme le visiteur. Il faut, à ce dernier, se dépouiller en effet, « brûler tous les papiers que marque le Mot noir, comme si au rude dieu de l’Arbre, on offrait un sacrifice d’écriture. »[21] Ledit visiteur n’est pourtant pas sans savoir, grâce à ce que soutient Butor, à savoir que « chaque mot écrit est une victoire contre la mort. »[22] Heureusement, par un opportun paradoxe, de ce renoncement à la vie imposé, le lieu, comme s’il se nourrissait de l’ombre vitale subsistant, s’investit, à l’inverse, de la pulsion de vie : Thanatos n’y figure pas ou plutôt plus. Une décharge de sa symbolique s’opère de fait. À partir de là, le dualisme territorial apparent efface la propriété autre dès lors que la nouvelle forme habitable désormais est là, vidée de son contenu ancien : pour épouser l’atmosphère des lieux, la conversion est d’emblée décidée par la règle juridique et coutumière. Elle s’impose au visiteur vivant. Il lui faudra s’y tenir ; ou s’en aller, renoncer.
De là se découvre, comme le soutient France Schott-Billmann, certes à propos d’autre chose mais qui convient bien à notre analyse, « non pas une représentation, mais une forme innée de représentation, une forme vide (nous préférons dire une structure), où s’engendrent des représentations moulées par le contenant : »[23] L’idée de vie remplace ainsi celle de mort. L’horizontalité se dessine alors et ne présuppose pas de divisibilité. Plutôt une idée de fusion, d’indivision, de ce qui ne sépare pas et qui construit plutôt un cercle obéissant aux principes des théories ensemblistes, un peu comme, je devrais dire, dans une « totalité symbiotique »[24], d’un seul mot. Il est vrai que les dispositions géographiques des sites sont parlantes et expressives de ladite séparation, l’analyse l’a maintes fois signalé : les nécropoles sont disposées en hauteur quand les villes, les biopoles, restent tout en en bas : « On taille [ainsi] les tombes dans les flancs des montagnes » pendant que « les vivants se pressent dans le fond des vallées, dans les plaines basses et marécageuses. » (TR, p. 42.) Mais, si l’on observe bien la disposition des stèles, on constate qu’elles épousent une forme bombée, en convexité et orientée vers le ciel pendant qu’il y a, en même temps, prise, par les membres extérieurs, comme des pieds du corps dressé, de et dans la terre :
« La demeure des morts « affecte la forme d’un Ω appliqué sur la pente de la colline, et dont le demi-cercle de pierre prolongé par des accolades entoure le mort qui, comme un dormeur sous les draps, fait au milieu de sa bosse : c’est ainsi que la terre lui ouvrant, pour ainsi dire, les bras, le fait sien et le consacre à elle-même. » (TR, p. 42.)
Une double verticalité se dispose dès lors et devient opératoire : du bas vers le haut, elle appelle le ciel qui élève ; du haut vers le bas, elle appelle la terre qui aspire. Rien ainsi, ne retient dans tous les cas, les morts. La ville – en bas – en liaison avec la nécropole, et vice versa, la nécropole en haut, les vivants sont rattachés aux morts selon la même logique "haut-bas" qui les tient ainsi en lien. La lecture ne peut donc rester insensible à la localisation dans la montagne du site mortuaire. C’est déjà, pour elle, une indication et un indice de verticalité. Mais, davantage encore, il y a aussi la présence non anodine de la tortue qu’il lui faut souligner. Cet animal, figuré par une statue, métaphorise ce lien de sa présence – figurale donc – au sein de ces monuments funéraires. « Les stèles apparaissent en effet souvent dans les architectures et dans les paysages chinois avec l’image de la tortue dont la symbolique s’articule autour de la connexion avec la Terre. Il s’agit généralement des blocs d'une dimension imposante, dont la base est taillée en forme de tortue symbolisant le Ciel et la Terre et le sommet orné de deux dragons chinois enlacés (un dragon mâle et un dragon féminin, l'union créatrice du yin et du yang, que représentent les deux dragons). »[25]Dans La Tombe, la tortue apparait naturellement, comme de juste. Comme d’attendu et de coutume. C’est sous la forme lapidaire d’une statue, en face du visiteur, et à l’intérieur d’une construction en briques qui conduit à ladite Tombe qu’elle se dresse en effet. On la voit supporter une écriture panégyrique tout en dessinant et suggérant exhaussement et abaissement à la fois :
« Ce sont d’abord, l’une après l’autre, deux montagnes carrées de briques. L’évidement central s’ouvre par quatre arches sur les quatre points cardinaux. La première de ces salles est vide ; dans la seconde une tortue de marbre géante, si haute que de la main je puis atteindre à sa tête moustachue, supporte la stèle panégyrique. » (LT, p. 72.)
Est-ce parce que cet univers tient son atmosphère du sacré lié à la conception chinoise de la mort qui enveloppe cette société, de manière si prégnante, et que décrit le poète? Toujours est-il que, avec Claudel, le lecteur entre en effet dans “Tombes-rumeurs” par un arbre, le « grand Banyan. » Il y entre en fait, de ce biais même, par le versant symbolique de la signification du texte et de ces lieux funéraires que ledit arbre métaphorise déjà en sa posture ; ce qui impose, au lecteur, une lecture orientée. La figuration de l’arbre n’est donc pas le fait du hasard. Sa présence non plus. Du reste, l’évocation de la tortue, qui accompagne sa dénotation, vient à point et complète assez le sens pour attester de sa valeur qui se dessinait déjà. La signification de la tortue est de surcroit, renforcée par l’association dudit animal, dans le passage cité, avec le carré et la cardinalité de l’espace où cette dernière est logée. La terre est, dès lors, indiscutablement, attachée en sa symbolisation, au Ciel et définit, par là, une unité cardinale. Est-ce parce que, comme on dit, « le carré demeure dévolu au terrestre ou plan horizontal, par rapport au cercle de nature céleste et verticale (…) parce que les Anciens pensaient que la Terre était carrée, fixe, immuable, par rapport au Cosmos »[26] ? Toujours est-il qu’il est présenté en tant que cube dont la symbolique ramène toujours à la terre dans toutes les traditions, lieu le plus bas à partir duquel débute l’élévation, la purification de l’homme. Ce n’est donc pas anodin si, en ce lieu, se trouve la première étape du corps défunt.
Le grand Banyan, quoiqu’il en soit, tel que décrit ici, établit le lien Terre-Ciel. La situation de cet arbre (à l’entrée de la nécropole) n’a donc, en réalité, rien d’anodin ; elle aurait même plutôt valeur d’un exergue empli de la charge symbolique que ce dernier charrie du fait que, apparemment, tout semble, en lui et en sa posture, renvoyer à la mythologie grecque et à ses divinités. Plus loin dans ce poème, il est d’ailleurs explicitement mentionné : « Je vois debout dans le Banyan un Hercule végétal. » (p. 49.) La lecture n’est donc pas surprise d’apprendre avec notre visiteur-poète de la nécropole, grâce à un adroit métalangage pour le moins explicite proposé par ce dernier, que s’établit adroitement une comparaison, d’essence métaphorique filant la précédente, de ce grand arbre avec, on le devine, « un Atlas [notons bien la majuscule de l’A] [qui, comme précise si bien le texte,] s’affermissant puissamment sur ses axes tordus, du genou et de l’épaule a l’air d’attendre la charge du ciel. » (TR, p. 41.) Rappelons le mythe d’Atlas. On nous y apprend une histoire complexe et nouée. En effet, dit-on,
« Il est mêlé à plusieurs légendes, notamment celle des pommes d'or du jardin des Hespérides : Héraclès vint le voir pour qu'il aille lui cueillir les pommes ; Atlas accepta à condition qu'Héraclès soutienne la voûte céleste à sa place pendant ce temps. Atlas ne voulant pas la reprendre, Héraclès dut utiliser la ruse. Il dit à Atlas, peu intelligent, qu'il avait mal au dos et qu'il avait besoin d'aide. Atlas accepta de reprendre le globe céleste le temps qu'Héraclès se repose. (Selon une autre version, cf. Edith Hamilton : La Mythologie, éd. Marabout, page 199, Héraclès aurait demandé à Atlas de lui reprendre le monde le temps qu'il se mît un coussinet sur l'épaule…). Mais évidemment il prit les pommes et partit laissant le Titan porter le ciel. »[27]
La légende fait état d’un poids à supporter, d’une charge lourde à porter et donc d’une pénitence pour les deux porteurs (Héraclès et Atlas) qui, rivalisant tour à tour de ruse, tentent, pour s’en débarrasser, de la laisser à l’autre que chacun essaie de convaincre de porter à sa place. Ladite charge, inclinant la tête du porteur et l’obligeant à une génuflexion à moitié, car soutenue par la première cervicale, entraine immanquablement ce dernier vers le bas. [28]
Ce n’est évidemment pas le cas pour le grand Banyan malgré la métaphore qui l’associe, voire l’assimile pourtant dans ce poème très, sinon que trop explicitement, à cet Atlas de la mythologie grecque. Le poids que cet arbre supporte, dans “Tombes-Rumeurs”, ne semble pas l’abaisser ni le rabaisser. Non, bien au contraire, dans le poème qui suit et qui est réservé au Banyan lui-même dans le recueil, on saisit plutôt et surtout l’effort contenu dans l’arbre qui est mouvement – au sens deleuzien du terme – dressé, plutôt porté vers le haut, vers l’aérien. L’arbre est figuré dans une pose en laquelle il s’agit moins, pour lui, de supporter que de lever un poids : la métaphore qui le dessine ainsi dressé, renvoie déjà à « un nœud de pythons (…) une hydre qui de la terre tenace s’arrache avec acharnement. On dirait que le Banyan lève un poids de la profondeur. » Le personnage défunt (et donc derrière, ou avec lui, la Mort) ainsi figuré (s) à travers l’arbre, qui le (s) représente, n’est certes pas en mouvement ; il est déjà mouvement en lui-même. Figé par la pose qui semble l’immobiliser, il apparait accroché, ancré dans la terre qui le tient ferme. Mais ce n’est qu’apparence. Car il est en même temps expression d’un certain athlétisme, certes immobile en son apparence immédiate, qui le bouge et remue en quelque sorte, le convulse. Il contient, en son sein, une poussée gymnaste sortant de terre qui l’expulse en effet pendant qu’il est retenu. Ainsi Claudel, pour décrire son spasme, écrit-il que « d’un lent allongement le monstre qui hale se tend et travaille dans toutes les attitudes de l’effort (…) Ce sont des poussées droites, des flexions et des arcs-boutements, des torsions de reins, et d’épaules, des détentes de jarret… » (“Le Banyan”, p. 48.)
On croirait lire Deleuze, que je reprends, analysant Bacon. Le Banyan est en effet ouvert et n’est comprimé dans aucune structure qui l’enfermerait ; il n’a rien en tout cas du cylindre fermé dont la structure matérielle qui, allant vers la Figure, comme le soutient Deleuze, enferme cette dernière. Il se fait plutôt « séjour où des corps vont cherchant chacun son dépeupleur. »[29] Il serait donc plutôt de l’ordre d’un cône, et ouvert par le haut. Ainsi, ce que définirait au mieux ce mouvement du Banyan, « c’est au contraire celui de la Figure [allant] vers la structure matérielle. » Dès lors, le corps du défunt, à travers le Banyan qui illustre ici son mouvement, effectue lui-aussi un déplacement, un voyage. Il n’est pas statique ; il s’élève et, par une traction et une poussée interne avec l’ensemble de ses forces musculaires, il « fait effort sur soi-même pour devenir Figure. Maintenant, c’est [donc] dans le corps que quelque chose se passe : il est source du mouvement. Ce n’est plus le problème du lieu mais plutôt de l’événement. Bref un spasme : le corps comme plexus, et son effort ou son attente d’un spasme.»[30] De fait, tout orienté, en tension vers le haut qui l’étire, « ce géant ici, comme son frère de l’Inde, ne va pas sans ressaisir la terre avec ses mains, mais, se dressant d’un tour d’épaule, il emporte au ciel ses racines comme des paquets de chaines. » (“Le Banyan”, p. 48.) On y devine comme une allégorie de la mort dans son mouvement de départ et de transport de l’âme hors du corps qui lui demeure au contraire encore enraciné, dans la Terre. Comme une allégorie du mort passant dans un autre monde, sous terre pour certains, au Ciel pour d’autres. C’est le défunt lui-même qui s’en va ainsi, au Ciel, tout en restant accroché, par le bas, à la Terre qui semble le retenir sans absolument ni simplement pouvoir le faire. D’un mot, sans qu’il y ait véritablement lieu d’enracinement du mort : il y aurait plutôt non lieu dans le sens qu’Augier prête à ce terme en raison du désir et de sa résonance métonymique du manque à être lacanien.
Architecture Archéologie photographie
Claudel, à travers le pèlerinage solitaire qu’il entreprend, dans ces deux poèmes, semble, avant tout donc, intéressé à comprendre l’anthropologie religieuse et mystique de la sépulture orientale en ses aspects les plus primitifs, du point de vue des rapports entre les vivants et les morts chez les Chinois en particulier. « Le recours au mythe, l’attraction pour l’originel et le tellurique »[31], qu’évoquait par exemple Gilles Perriot à propos de la mort dans les représentations artistiques contemporaines, dominent terriblement en effet – avec leur charge de signification symbolique – la peinture de ces lieux réservés aux morts que Claudel en fait ici. Mais, une fois à l’intérieur du sépulcre de La Tombe, dans le deuxième poème, s’opère un face-à-face, du visiteur solitaire, que ce dernier croyait seulement vouloir et pouvoir lier avec la Mort et les défunts. Cette rencontre le déroute pourtant par sa brutalité. Il découvre en fait le monument funéraire impérial – pour ce qui se passe dans “La Tombe” du moins – en lui-même : détaché, nu, complètement dépouillé et débarrassé de ses corps. Il le contemple alors, les yeux presque hagards, sans pouvoir vraiment méditer.
S’ensuit ou, plutôt, s’additionne de cet exercice de l’œil curieux regardant, un examen archéologique émerveillé : seul avec le bâti, il comprend en effet que l’art funéraire chinois, consacré aux défunts des dynasties impériales, s’exprime d’abord à travers l’architecture qui révèle leur puissance. Claudel se fait alors photographe…C’est pour voir, pour capter une idée mais non plus désormais pour seulement comprendre. Il est en quête d’images, de visages, certes non pas de la mort donc ni des morts comme en proposait le photographe nécrophile allemand Rudolf Schefer avec sa série dite “Visages de Mort” parue en 1987.[32] De ce Claudel intéressé par le tableau des sépulcres chinois, on dira plutôt un photographe en quête de visages, de figures de nécropoles antiques chinoises. Quant à l’œuvre elle-même, on lui fera porter le titre de Visages de Tombe pour témoigner d’une Figure qui se découvre et se dévoile en image fixée.[33]
Quoiqu’il en soit, l’impression demeure d’un passage du narratif-poétique au visuel en raison du virage au portrait photographique en quête de ce visage recherché. Claudel voudrait-il saisir une image-essence – L’Image même – vivante de ce sépulcre dont la Tombe porte justement, à son initiale, une majuscule de laquelle découle sa suprême majesté et celle des autres, certes moins dynastiques ? Ou bien voudrait-il plus simplement figer un temps antique et se le rendre présent voire simultané à son regard, par une image dégagée du regard : c’est-à-dire en faire quelque chose de contemporain à son action visuelle, d’arpentage, de cet espace sépulcral qu’il divise en géomètre, métier d’arpentage dont on sait précisément que, à l’origine, il a été investi d’une signification quasi religieuse ? Ce qui reviendrait, pour le lecteur, à conjoindre dès lors, voire à confondre, l’ambition anthropologique consciemment poursuivie par le poète pour saisir une symbolique, par ledit ethnographe, avec une autre que ce dernier découvre au moment du fait exploratoire : celle, désormais dont il se revêt sans doute involontairement, de l’archéologue soucieux de ramener une pièce, un morceau.
Le cliché photographique prend alors la place de la page et fixe des images, des images du sépulcre. Est-ce parce que, comme on nous le dit si bien, et « c’est un fait bien connu, et dans l’ensemble admis, que le rapport du sujet à la photographie se place sous le signe de la Mort. Ainsi François Metz, spécialiste s’il en est de l’image (filmique), considérait l’essentiel de la nature photographique comme structurée par l’idée de Mort. »[34] Davantage, nous rappelle-t-on aussi par ailleurs, « Oscar Wilde n’allait-il pas jusqu’à dire qu’“on ne devrait jamais photographier que les morts ? »[35] On voit ainsi, peut-être pour coller au plus près à ce besoin comme de nature de représentation mortuaire des sites y afférant, dans ce poème, un défilé d’images perçues et recueillies de ce paysage funéraire, par le visiteur, obéissant à l’ordre même de sa déambulation « au travers de ce lieu réservé à la mort » (“L. T.”, p. 72.). Elles le conduisent progressivement jusqu’à La Tombe, le terminus, « devant la tombe » même. Car, effectivement, « Entre les avancements massifs des bastions carrés qui le flanquent, et derrière la tranchée profonde et définitive du troisième ru, un mur ne laisse point douter que ce soit ici le terme de la route. » (p. 73.) Mais, auparavant, ce qui aura été vu, c’est un parcours déterminatif du rite funéraire parcouru :
« Ce sont d’abord, l’une après l’autre, deux montagnes carrées de briques (…) À peine suis-je sorti par la porte septentrionale, je vois devant moi s’ouvrir le pays des Mânes ; (…) Une allée…Maintenant, par une série d’escaliers dont le bandeau médian divulgue encore le reptile impérial, je traverse le cadre ravagé des terrasses et des cours (…) Et voici devant moi la Tombe. » (“LT”, p. 72-73.)
Chacune de ces étapes est ainsi parcourue d’un œil curieux itinérant. Au bout de chacune d’elles, le poète espère, semble-t-il, rencontrer la figure tombale en son essence mais aussi en sa forme. C’est-à-dire, en réalité, ce qui devra lui apparaitre au bout de sa figuration et lui restera de forme présente : ce qui surgira donc, d’un mot, au sortir de son parcours d’explorateur et demeurera en quelque sorte permanence en lui. Comme un souvenir visuel. Et aussi : ce qui surgira donc, d’un œil, parcourant, visualisant mais accompagné de l’esprit qui perçoit, lui aussi en même temps. Appelons cela l’idée, l’image, la figure de Tombe d’un mot. C’est en cela qu’il y a bien narration (en tant qu’il y a figuration) en vue de la substantiation[36] de ce paysage funéraire (figuratif en tant qu’il est illustratif), de ce sépulcre antique parcouru du regard dans chacune de ses pièces. Une image fixe est en quelque sorte recherchée. Il s’agit, pour le poète, de la capter ; de ne pas la laisser fuir ni s’échapper. Car, il le sait bien, « par essence [selon ce qu’en dit du moins Audrey Lemieux], la figure scintille. Non pas qu’elle jette de l’éclat par intervalles, comme le suggère la définition du mot “scintiller” : la figure scintille parce qu’elle ondoie et chatoie à la surface des choses, des mots, des images, avant de sombrer – pour réémerger aussitôt et replonger, et ainsi de suite, en un mouvement incessant. »[37]
Le photographique ne suffit plus dès lors à cause justement de cet étrange scintillement qui transmue en absence (l’antiquité)-présence (actuelle) le sépulcre avec son contenu d’êtres, de monuments, de statues, d’arbres, etc., qui le composent. Le texte se joue en fait plutôt sur une dialectique de mouvance et de fixation. Soit donc : « d’un côté, l’idée de variation infinie, d’aspect changeant, si souvent associée à la Figura (…) » qui est due à l’influence et à l’usure du temps trop ancien de l’Antiquité, époque où a été bâti le sépulcre, séparée du temps présent de la perception ; « et, de l’autre côté, l’idée opposée d’essence inaltérable, de fixation du visible en allégorie codée »[38], que le cliché photographique actuel du regard claudélien est en mesure de produire. Dans ce cas, la Figura se rapproche alors de « skhèma, ce qui l’érige en archétype. »[39] Or, c’est justement, semble-t-il, ce que recherche précisément Paul Claudel : l’image primordiale, modèle de toutes les autres qui dérivent d’elle et que le temps ne dissous ni ne déforme véritablement. D’où l’absolu même contenu et parfaitement lisible dans le titre, « La Tombe », qui l’érige en modèle. C’est-à-dire : ce qui fait de celle-ci l’espèce unique, l’archétype de toutes les autres en somme. Claudel peut donc s’en contenter : elle n’a rien d’idiosyncrasique par rapport aux tombes chinoises y compris celles construites sous l’ordre de son empreinte, c’est-à-dire toutes ces tombes dérivées de son archô (empreinte) archégonos (originel)[40] qui ne peuvent que toujours la rappeler, s’originer en elle, d’un mot.
Cet espace originel, Claudel ne veut manifestement pas le laisser à son état inerte, mort. Il le déplace donc, le transpose, le rend en même temps contemporain de son regard actuel qui le vivifie de fait : il lui redonne ainsi vie en l’animant par une succession de tableaux visuels qui font de ce texte une véritable peinture vivante des funérailles impériales chinoises de l’Antiquité ; ce que, apparemment, le poète recherche au travers même de ces sépulcres. La scène qu’il perçoit est pourtant morte et décalée : on n’y voit pas les cadavres eux-mêmes. Ni d’autres visiteurs que le seul Claudel. Mais la déambulation de ce dernier parcourant les lieux de son pas, parce qu’elle procède d’une démarche méthodique, rappelle le déroulement du rituel funéraire qui a eu lieu comme si celui-ci se répétait maintenant même, au moment de la lecture, devant nous (les lecteurs). Du coup, le paysage sépulcral, avec son décor, semble redessiner une estrade sur un aplat (malgré les montagnes) où se meuvent encore des êtres et des présences, fussent-ils inertes, « le bandeau médian divulguant encore le reptile impérial » par exemple. L’occasion est donc belle pour en faire une scène. C’est une scène vivante qui dès lors, animée du geste de ses corps, animaux et minéraux, s’installe et installe un théâtre sépulcral. On passe alors au tableau dramatique et au tableau pictural à la fois en raison du mouvement qui parcourt les deux espaces de la scène animée pour finalement dégager des tableaux de fin de batailles, de champs jonchés de morts, de Cortège impérial, etc. Dans tous les cas, c’est un rituel qui se lit dans le parcours que suit Claudel lequel semble donc vouloir retracer, en le parcourant par lui-même de ses pas, ce chemin rituel qui conduisait, jadis, le défunt jusqu’à la Tombe.
Se détermine alors un rituel funéraire bien établi que Claudel met donc en scène mais sans les acteurs. Il joue la scène seul…Avec des figures. Tout, apparemment, s’y déroule aussi comme dans l’Égypte ancienne où on faisait passer le corps défunt par des étapes précises avant son embaumement. Là, le cadavre était d’abord embarqué et porté de la rive droite jusqu’à la rive gauche où l’attendait la Tente de purification pour y être lavé et purifié puis rendu aux parents sur l’autre rive à nouveau[41] avant que ne suivent d’autres rites. Sauf que les détails ne sont pas exactement les mêmes. Dans “La Tombe”, le corps du cadavre, nouvellement défunt, passe d’abord par « la porte septentrionale » qui entame le processus. C’est en effet, une fois sorti de ce premier lieu d’accueil du corps, un lieu, composé de « deux montagnes de briques carrées [comportant un] évidement central [qui] s’ouvre sur les quatre points cardinaux », qui apparait devant le visiteur. De fait, écrit alors le poète, en franchissant « ce ruisseau : je vois devant moi s’ouvrir le pays des Mânes. » (p. 72-73.) Il s’agit donc manifestement de la première halte du corps du défunt. Mais le lecteur n’était certes pas dupe. Du reste, ni le texte ni le visiteur Claudel eux-mêmes ne laissaient longtemps planer le doute en lui. Ainsi, à l’intérieur de ces « deux montagnes carrées de briques » qui ouvrent le procès, le poète conclut pour ce lecteur, comme de juste, et en voyant « le porche et l’apprentissage de la terre » (p. 72.), que « c’est ici que le mort faisait halte sur un double seuil et que le maître du monde, entre les quatre horizons et le ciel, recevait un suprême hommage. » (p. 72.) Là commence donc la procédure d’ensevelissement funéraire.
Une deuxième étape du rituel poursuit la scène mortuaire. Elle consiste dans une espèce de procession organisée pour accompagner le cadavre. Claudel la décrit avec précision, non sans manquer encore une fois de la rendre vivante, notamment grâce à la personnification des animaux qui se trouvent autour de l’allée du cortège funèbre formant des paires, même s’il concède que, à cette étape, ayant « franchi le seuil de la vie, plus de véracité ne saurait convenir à ces simulacres. » (p. 73.) La scène antique renait ainsi. Et nous fait pénétrer dans le secret et le mystère du temps comme pour rappeler, Misrahi le dit si bien, qu’« il faudra bien que les phénix renaissent. »[42] Mais ce n’est certes pas le corps du défunt qu’il faut ramener ici à la vie. C’est plutôt l’art funéraire, dévoilé dans son architecture et dans son procès mêmes, que le tableau vivant déroule ainsi. On y voit justement, comme l’écrit si bien le poète, s’offrir « à mes yeux (…) formant une allée de leurs couples alternatifs, de monstrueux animaux. Face à face, répétant successivement agenouillés et debout, leurs paires, béliers, chevaux unicornes, chameaux, éléphants. » Le ballet animal s’accompagne en plus ici de celui du minéral qui, comme de circonstance, lui-aussi s’anime à son tour. En effet, en ce lieu « où se dérobe la suite de la procession, les blocs énormes se détachent sur le triste herbage. » Puis la chorégraphie mortuaire s’achève là-bas, « plus loin [là-bas où] sont rangés les mandarins militaires et civils. » (LT, p. 73.) La nature participe ainsi du mystère de la sépulture et des lieux mêmes aux côtés des humains : c’est le sépulcre, célébré par l’harmonie, qui se joue ainsi de ses morts et de la Mort comme à l’effet d’une scène de funérailles. Le décor prime. La beauté naît de là. N’est-ce pas ce que recherchait finalement Claudel ?
Enfin, accède-t-on donc à la tombe elle-même, avec le visiteur de circonstance. Elle se trouve justement à la fin de son parcours, au sommet. C’est là que séjournera éternellement le Monarque en effet. On s’attend alors à la manifestation de la Beauté divine dans sa plénitude, en plein dévoilement de son apparence ou en pleine extase de son déroulement : scène de magnificence. Le défunt, par cette position ayant atteint le stade le plus haut, le stade suprême qui le rapproche de Dieu, sa divinité devrait s’exposer, grandeur nature en effet. Mais l’accès du site une fois acquis, semble-t-il, est pourtant complètement à rebours de la beauté précédemment évoqué et surtout attendue. Le paysage, situé en hauteur et auquel on accède par une série d’escaliers, est un aplat et définit par là une verticalité inversée et basse qui, au contraire, semble enfouir le mort dans la profondeur. « C’est [en effet] ici l’esplanade du souvenir, le vestige plat. »
Le sol lui-même, de surcroit, parle au visiteur. Le sépulcre est en effet un langage, une sémiotique, que notre occasionnel explorateur lit, écoute puis décrypte. Il est alors consterné : l’enterrement du prince s’est en effet accompagné de sang, du sacrifice humain. C’est ce que lui rappelle du moins ce souvenir qu’il déduit « du vestige plat dont le pied humain en le quittant a enrichi le sol perpétuel, le palier du sacrifice, l’enceinte avec solennité où la chose absolue atteste, parmi ce qui est encore, qu’elle fut. » (LT, p. 73.) Le drame (théâtre) vire ainsi, aux yeux du poète, à la tragédie des sacrifices rituels[43] qui se laissent ainsi découvrir, bruts, en leur visage primordial. Dans ces conditions radicales, l’impression esthétique se dégage très rapidement qui assimile métaphoriquement le sépulcre à un tableau de champ de batailles et de ruines, de corps défaits et vaincus. En effet,
« Je marche maintenant au milieu des soldats et des ministres. Les uns sont entiers et debout ; d’autres gisent sur la face ; un guerrier sans tête serre encore du poing le pommeau de son sabre. (..) Au centre, le trône supporte, le baldaquin encore abrite l’inscription dynastique. Alentour les temples et les xénodochies ne forment plus qu’un décombre confus dans les ronces. » (p. 73.)
La tombe apparait ainsi finalement, au terme du parcours, à l’œil. Majestueuse ? Non, sans doute pas. Sans doute plus. Comme on vient de le voir. C’est en effet, tout au contraire, une figure défaite, dépouillée de son être, décharnée en quelque sorte dans la mesure où ce qui faisait sa chair n’est plus en elle. La Tombe déçoit finalement le poète pourtant venu en son sein saisir les « trésors et les os d’une dynastie plus antique. » Il s’agissait apparemment, pour lui, de tenter de figer un cliché immortalisant l’archéologie du sépulcre chinois voire l’anthropologie qui l’entoure au travers d’un archétype chargé de significations religieuses. La Tombe, pendant la visite, longtemps, a ainsi semblé produire un effort de permanence à ses yeux susceptible de lui en donner une idée au plus près de ce qu’elle aura été dans sa radicale figuration antique. Claudel y découvre, en sa phénoménalité formelle, un simulacre réussi au moyen de ce que Gilles Perriot appelle la « main mise sur le temps prétexte à l’exploration d’une immortalité »[44] notamment du fait de la conservation réussie de l’architecture de ce site qui traduit encore le rituel funéraire de l’époque. Sauf que la scène antique perçue dans cette nécropole, à immortaliser, a offert son vrai visage, un autre, malheureusement inattendu pour le poète pèlerin de pays orientaux des morts.
Si bien que, au bout du compte, la fin du poème révèle une certaine déception : au lieu du corps des morts des majestueuses descendances dynastiques – d’ailleurs complètement ici écrasés par la masse des pierres, c’est la Mort elle-même, triomphante, qui s’exhibe à leur place, étant même véritablement exprimée par le sépulcre qui la couronne en quelque sorte : à l’image du statut – impérial et dynastique – de la personne qu’elle a emportée, elle transcende de son visage, la hauteur des lieux et apparait, de l’aplat qui la contient et l’exhibe, comme la divinité, Athée malheureusement : c’est donc une divinité basse. Claudel conclut alors d’un vide de l’espace sépulcral qui s’arrête à l’architecture des lieux lesquels, malheureusement, sont à célébrer, malgré tout, avec cette Mort elle-même. Pour le poète, ce n’est dès lors plus qu’un vide qui s’arrête de surcroit à sa seule extériorité et ne renvoie à aucune idée de profondeur. D’où cette image contradictoire, de royaume intermédiaire (non pas au sens où Sigmund Freud emploie ce terme ; je dirais plutôt une image), d’un entre-deux finalement décevant où asseoiement et exhaussement se partagent la rhétorique du souverain déchu et vaincu par La Mort, image que le poète confère donc de minuscule à l’initiale de cette dernière, au terme de l’exploration des lieux. Car
« Nul cadavre n’est si suspect que d’exiger sur lui l’asseoiement d’une pareille masse. C’est le trône de la Mort même, l’exhaussement régalien du sépulcre. Un couloir droit remontant en plan incliné traverse de part en part le tertre. Au bout il n’y a plus rien que le mont même dont le flanc abrupt en lui-même révèle profondément le vieux Ming. Et je comprends que c’est ici la sépulture de l’Athée. Le temps a dissipé les vains temples et couché les idoles dans la poudre. Et seule du lieu la disposition demeure avec l’idée. » (LT, p. 74.)
De là, il est aisé de comprendre la tonalité morbide qui achève en le poursuivant, dans ce poème consacré au funéraire mais sans larmes ni pleurs, le thème du cadavre dont on ne se soucie pas, dans la mesure où ce dernier ne fait pas sens. On y observe encore ainsi la survivance du corps défunt qui demeure là mais sans pour autant être là. Une image situe le fait : c’est notamment celle d’un cheval ensanglanté que, un chien paumé, à la sortie du cimetière, dévore lui-aussi, en face de Claudel. Ce dernier, en train de sortir tranquillement de la nécropole reste sans émotion en face de ce spectacle morbide. Il observe la scène, impassible, sans jamais vouloir s’inviter ni inviter son lecteur aux larmes. On ne décèle du moins, de ce comportement si déconcertant, pour le moins surprenant, pas le même lyrisme claudélien lisible par exemple dans “Tristesse de l’eau” – poème qui succède à “La Tombe” et
« Où s’ouvre une sombre saison (…) Du ciel choit ou de la paupière déborde une larme identique. Ne pense point de ta mélancolie accuser la nuée, ni ce voile de l’averse obscur. Ferme les yeux, écoute ! la pluie tombe. Ni la monotonie de ce bruit assidu ne suffit à l’explication. C’est l’ennui d’un deuil qui porte en lui-même sa cause (…) Les cieux pleurent sur la terre qu’ils fécondent (…) l’épanouissement de la mort. »[45]
Toute cette ambiance mortuaire de nécropoles et de sépulcres chinois antiques définit ainsi finalement un drame que le poète n’était sans doute pas venu chercher ni peindre. La maïeutique du funèbre recherchée pour écrire un poème des morts et de La Mort se détourne alors, sans doute malgré elle, de son but poétique poursuivi : une maïeutique funéraire prend la place. Le lieu, usé par le temps, est devenu vain, épuré de ses morts. Ses temples ne parlant plus que d’eux-mêmes, antiques architectures de nécropoles sans contenus, servent pourtant finalement mieux, à ce titre,…la cause archéologique plutôt que le mythe, le sacré : le fameux Templum de Michel Serres.
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[1] Stanislas Fumet, « Introduction », Paul Claudel. Œuvres poétiques, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1957.
[2] « Connaissances de l’Est », Paul Claudel. Œuvres poétiques, Ibid., p.41-44.
[3] Ib., p. 72-73-74.
[4] Ib., p. 64.
[5] Ib., p. 74.
[6] Ib., p. 75.
[7] Ib., p. 119-120.
[8] Stanislas Fumet, « Introduction », Paul Claudel. Œuvres poétiques, Op. Cit., p. XXXIII.
[9] « Connaissances de l’Est », Op. Cit., p.41.
[10] “La Tombe”, p. 71.
[11] Chez Deleuze, il faut comprendre la Figure dans son rapport au lieu qui la contient : « c’est un champ opératoire. Le rapport de la Figure avec son lieu isolant définit un fait : le fait est…ce qui a lieu. Et la Figure ainsi isolée devient une Image, une Icône. »
Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de sensation, Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 11.
[12] “La Tombe”, p. 74.
[13] Ibid., p. 75.
[14] Thomas Macho, « La mort », Traité d’anthropologie historique, Philosophies histoires cultures (Dir. Christoph Wulf,), Paris, Budapest, Torino, L’Harmattan, 2002, p. 974.
[15] Ibidem.
[16] Ibidem.
[17] Comme Michel Serres emploie le terme, en équivalence de la page, et en rapport de disjonction ou de conjonction avec locus, templum, hortus, campus. Michel Serres, Les origines de la géométrie, Flammarion, Champs, 1993.
[18] Ib., p. 46.
[19] Cité par Olivier Deshayes, « Géricault et le corps en morceaux », Mort et création (Dir. Béatrice Steiner et Françoise Fritschy), Paris, Montréal, L’Harmattan, 1996, p. 115.
[20] Michel Serres, Les origines de la géométrie, Op. Cit., p. 47.
[21] “Tombes-rumeurs”, p. 41.
[22] Michel Butor, cité par Murielle Gagnebin, Préface, Mort et création, Op. Cit., p. 7.
[23] France Schott-Billmann, « Appel-réponse entre vie et mort dans les danses primitives », Mort et création Op. Cit., p. 34.
[24] Id.
[25] http://oraney.blogspot.com/2012/04/le-carre-aspects-symboliques.html. Consulté le 05-09-2016 à 09 H 10 mn.
[26] http://oraney.blogspot.com/2012/04/le-carre-aspects-symboliques.html. Consulté le 05-09-2016 à 09 H 10 mn.
[27] https://fr.wikipedia.org/wiki/Atlas_(mythologie). Visité le 01/09/2016 à 20 h 06.
[28] Ibidem.
[29] Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de sensation, Op. Cit., p. 23.
[30] Id.
[31] Gilles Perriot, « Mimer la mort », Mort et création, Op. Cit., p. 65.
[32] « Le photographe allemand Rudolf Schefer laissa une impression durable sur les esprits avec sa série “Visages de Mort” (1987) révélé par les rencontres d’Arles.
Gilles Perriot, Ib., p. 68.
[33] À propos du lien entre figure et visage, retenons : « Auerbach fait remarquer que la première occurrence mentionnée du mot, chez Térence, parle d’une jeune fille qui a une nova figura oris (“un visage d’une figura inusitée”) – la nouveauté (inventio) est, ici aussi, associée à l’usage de la Figura. Cela étant, il faut bien noter que Figura n’a quasiment jamais été utilisé en latin au sens moderne de “visage” (la seule référence avancée par Auerbach concerne un vers de Sedelius parlant de nostram lavere figuram – “laver notre figure (visage)” – mais cela semble essentiellement un écart sémantique pour des raisons de métrique et de rime). L’assimilation figure-visage se fera beaucoup plus tard, à l’époque moderne. »
Philippe Dubois, « La question des Figures à travers les champs du savoir : le savoir de la lexicologie : note sur Figura d’Erich Auerbach », Figure, Figural, (Dir. François Aubral et Dominique Château), Paris, Montréal, L’Harmattan, 1999, p. 16.
34] Ib., p. 70.
[35] Ib., p. 66.
[36] Au sens de Kant : Ce qui persiste au milieu du changement (des phénomènes) et le rend compréhensible.
[37] Audrey Lemieux, « Ryan Une rencontre dans l’espace figural de la souffrance », Perspectives croisées sur la figure. À la rencontre du lisible et du visible, (Dir. Bertrand Gervais et Audrey Lemieux), Presses Universitaires du Québec, 2012, p. 225.
[38] Philippe Dubois, « La question des Figures à travers les champs du savoir : le savoir de la lexicologie : note sur Figura d’Erich Auerbach », Loc. Cit., p. 21.
[39] Ibidem.
[40] J’emprunte ce lexique grec à l’usage qu’en fait Jean Loïc Le Quellec. Jean Loïc Le Quellec, Jung et les archétypes. Un mythe contemporain, Sciences Humaines Éditions, 2013, p. 41.
[41] Voir, pour les détails, Jean-Claude Goyon, Rituels funéraires de l’ancienne Égypte. Le rituel de l’Embaumement. Le Rituel de l’Ouverture de la Bouche. Les livres de respiration, Paris, Les Éditions du Cerf, 2004.
[42] Robert Misrahi, Construction d’un château. Traité du bonheur, Éditions du Seuil, 1981, p. 103.
[43] Pour Michel Serres, « du rite religieux ou du sacré tangent à la violence meurtrière, procède le tragique qui l’allège en représentation. » C’est parce, selon lui, « si la tragédie traduit, dans nos langues, le vieux vocable grec qui signifie le bouc ou la chèvre émissaires, comment ne pas voir qu’en amont d’elle eut lieu le sacrifice rituel, l’exclusion, l’expulsion mortelles d’une victime animale substituée, quelque jour, au cours d’une exhibition publique, à un homme autrefois réellement sacrifié, mis au centre de la société ? »
Michel Serres, Les origines de la géométrie, Op. Cit., p. 178.
[44] Robert Misrahi, Construction d’un château, Op. Cit., p. 71.
[45] “Tristesse de l’eau”, « Connaissances de l’Est », p. 74.