Numero special 1 - "Jeunes chercheurs"

Integration scolaire d’enfants vivants avec l’autisme a travers l’expérience de l’association burkinabè d’accompagnement psychologique et d’aide a l’enfance : Gninneyo Sylvestre-Pierre NIYA

INTEGRATION SCOLAIRE D’ENFANTS VIVANTS AVEC L’AUTISME A TRAVERS L’EXPERIENCE DE L’ASSOCIATION BURKINABE D’ACCOMPAGNEMENT PSYCHOLOGIQUE ET D’AIDE A L’ENFANCE

 

Gninneyo Sylvestre-Pierre NIYA
Université de Koudougou/ Burkina Faso

 

Résumé :

Depuis trois ans, l’Association Burkinabè d’Accompagnement Psychologique et d’Aide à l’Enfance (ABAPE) a entrepris la scolarisation d’enfants vivant avec des troubles autistiques aux côtés d’autres enfants dits « normaux ». Ce projet d’intégration scolaire a démarré par la formation des enseignants de l’école Bangré-Yiguia de la ville de Ouagadougou, champ de cette expérimentation, à la tenue de classes intégratrices, fréquentées par cette catégorie d’enfants. Cependant, quel est le degré d’intégration scolaire de ces enfants au sein de cette école ? Il est ressorti de notre étude que les enseignants des classes intégratrices de l’école Bangré-Yiguia mettent en application dans leurs tâches quotidiennes, les pratiques éducatives acquises et qui sous-tendent l’intégration scolaire des enfants autistes. Ainsi, de par leurs pratiques, ils influencent positivement les interactions entre ces enfants autistes et leurs pairs sans handicap en classe et en dehors de celle-ci, toute chose qui favorise leur bonne intégration.

Mots-clés : autisme, intégration scolaire, enfants vivant avec des troubles autistiques, handicap mental, pratiques éducatives

Summary:

For three years, the Burkinabe Association of Psychological Support and Childcare (ABAPE) has undertaken the schooling of children living with autistic disorders alongside their so-called normal peers. This school integration project started with the training of teachers at the Bangré-Yiguia school in the city of Ouagadougou, the scope of this experiment, to the holding of inclusive classes attended by this category of children. However, what is the degree of integration of these children into this school? It emerged from our study that the teachers of the integrating classes of the Bangré-Yiguia school implement in their daily tasks, the acquired educational principles that underpin the integration of children with autism. Thus, through their practices, they positively influence the interactions between these children with autism and their peers without disability in and outside the classroom, promoting their good integration.

Keywords: autism, school integration, children living with autism, mental disability, educational practices

INTRODUCTION

Depuis des décennies, le Burkina- Faso œuvre pour une politique nationale en faveur de l’éducation des enfants à besoins éducatifs spéciaux[1] à travers de nombreux textes normatifs et la ratification des accords internationaux. Ainsi, l’arrêté N° 2015-0100/MENA/SG/DGEB/DEI du 8 mai 2015, portant création, attributions, composition et fonctionnement du comité chargé du pilotage de l’élaboration de la stratégie Nationale de développement de l’éducation inclusive (SN-DEI) qui couvre la période 2016-2020 se veut la feuille de route du gouvernement en la matière. S’en est suivi, l’élaboration du « projet d’appui aux centres et écoles chargés de l’éducation des enfants aux besoins éducatifs spécifiques », comme la concrétisation de cette volonté du gouvernement à faire de l’éducation des enfants à besoins éducatifs spéciaux, une effectivité.

Ainsi, de nos jours, le constat fait état d’enfants vivant avec des déficiences qui se retrouvent dans des classes ordinaires, même s’il faut noter que cela se passe dans des centres tenus par des partenaires privés.

Cependant, si certains types de handicap sont facilement indentifiables, il n’en va pas de même pour l’autisme qui reste toujours mal connu, voire ignoré même par certains professionnels de la santé. Pourtant cette pathologie touche environ 60 enfants sur 100 000 dans le monde selon la Haute Autorité de Santé (HAS) (2010) en France. Elle requiert une prise en charge particulière par des spécialistes du domaine pour préparer efficacement l’intégration scolaire des qui vivent avec.

Au Burkina, la politique éducative relative aux enfants en situation de handicap ne parvient pas à identifier de manière aisée les cas d’autisme. Cela rend difficile, le dépistage   précoce pour permettre une prise en charge éducative adaptée aux besoins des enfants qui vivent avec cette pathologie.

Fort heureusement à Ouagadougou, l’Association Burkinabè d’Accompagnement Psychologique et d’Aide à l’Enfance (ABAPE) accueil au sein de son école, des enfants vivant avec l’autisme. Au regard de la particularité de cette pathologie, il importe de savoir si les enseignants qui officient au sein de cette école, font usage des pratiques éducatives appropriées et si de par leurs pratiques quotidiennes, ils impliquent les enfants dits normaux à l’intégration scolaire des élèves à besoins éducatifs spéciaux, vivant avec des troubles autistiques. C’est à cela que s’intéresse la présente étude qui s’inscrit dans l’optique de la recherche de solutions pour développement de l’éducation inclusive au Burkina Faso.

 

  1. CONTEXTE DE L’ETUDE

Le rapport mondial de l’UNESCO (Organisation des Nations-Unies pour la Science et la Culture) sur le suivi de l’Education Pour Tous (EPT) estime à 150 millions, le nombre d’enfants vivant avec un handicap quelconque, à travers le monde et qui sont victimes d’exclusion et de discrimination (UNESCO, 2010).

Le Burkina-Faso, face à cela, a ratifié les instruments juridiques internationaux sur l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap et a mis en place, en plus des textes nationaux pris dans ce sens, un dispositif national contre l’exclusion sociale de cette catégorie de personnes.

Aux côtés de l’Etat, foisonne toute une multitude d’associations et d’Organisations Non Gouvernementales dans la lutte pour l’intégration scolaire des enfants vivant avec un handicap en milieu ordinaire. Cependant, l’autisme reste une pathologie peu connue du grand public et les enfants qui le portent ne font pas l’objet de traitement particulier quand à leur scolarisation.

Néanmoins ces dernières années, certaines structures privées se sont constituées dans le but d’œuvrer à la prise en charge des enfants victimes de troubles autistiques afin de favoriser l’intégration de ces derniers en milieu ordinaire. C’est le cas par exemple de l’Association Burkinabè d’Accompagnement Psychologique et d’Aide à l’Enfance (ABAPE) qui tente depuis 2011 une expérience d’intégration scolaire d’enfants à besoins éducatifs spéciaux, vivant avec des troubles autistiques, dans la ville de Ouagadougou. Cette initiative, originale dans le paysage éducatif burkinabè mérite que l’on s’y attarde afin de mieux l’appréhender et d’en dégager des pistes d’amélioration.

C’est donc dans un contexte de recherche de solutions pour une intégration harmonieuse   des enfants burkinabè à besoins éducatifs spécifiques vivant avec des troubles autistiques en milieu ordinaire que se mène la présente étude sous l’angle d’une approche diagnostique.

  1. PROBLEME DE L’ETUDE

        Au Burkina Faso, de nombreux progrès ont été accomplis au plan juridique, notamment en référence aux principales conventions ratifiées et les textes, lois et décrets adoptés au plan national en faveur de la prise en compte des besoins spéciaux des personnes en situation de handicap. Au regard de tout le dispositif mis en place et décrit dans la partie situation du contexte d’étude, l’on est en droit de penser que l’intégration scolaire des enfants à besoins éducatifs spéciaux se passe sans problème au Burkina Faso. Pourtant, cette catégorie de personnes, surtout celles atteintes de déficience mentale se retrouvent toujours maintenues loin des salles de classe ordinaires.   La situation est encore plus déplorable quand il s’agit des       enfants atteints de troubles autistiques et les raisons de cet état de fait sont diverses.

D’une part, l’autisme étant très mal connu par la société, son diagnostic devient du coup difficile à établir.  En effet, il se réalise essentiellement de manière clinique car il n’existe pas d’examens médicaux précis qui permettent de déceler la pathologie. De ce fait, c’est seulement au cours de ces dernières années que des spécialistes se sont intéressés à la prise en charge médicale, psychologique et éducative des enfants autistes au Burkina Faso.

D’autre part, le Burkina Faso ne dispose pas jusqu’à ce jour, de statistiques officielles fiables sur les enfants vivant avec des troubles autistiques. A. Beauguitte (2006), souligne que même dans un pays comme la France, l’Education Nationale ne dispose pas de statistiques relatives aux personnes souffrant d’autisme. « Les estimations du nombre de personnes souffrant d’autisme en France fait l’objet de controverses », (p.12).

Outre toutes ces difficultés, la réticence des enseignants à accueillir des enfants autistes dans leurs classes est réelle, à cause de la méconnaissance des troubles autistiques certes, mais aussi par le fait des méthodes éducatives appropriées qu’exigent leur prise en charge psychopédagogique et qui ne sont pas enseignées dans les écoles de formation professionnelle des enseignants.

A l’ABAPE, fort heureusement, les enseignants des classes intégrées reçoivent des formations spécialisées et l’on constate une bonne intégration des enfants vivant avec l’autisme, au sein de l’école et de la classe. En l’absence d’étude en la matière, nous ne saurons postuler à l’existence d’une éventuelle relation entre cette formation reçue par les enseignants et le degré d’intégration des élèves autistes au sein de l’établissement, d’où la présente.

  1. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Ils se subdivisent en un objectif général et deux objectifs spécifiques

  • Objectif général

L’objectif général poursuivi à travers cette étude est de chercher à déterminer si la formation des enseignants de l’ABAPE à la prise en charge psychopédagogique des enfants vivant avec l’autisme influe sur la qualité d’intégration scolaire de cette catégorie d’enfants.

  • Objectifs spécifiques.

Ils sont au nombre de deux

  • Objectif spécifique 1

Le premier objectif spécifique de notre étude est d’établir s’il existe une relation entre la formation des enseignants à la prise en charge psychopédagogique des enfants vivant avec des troubles autistiques et leurs pratiques éducatives vis-à-vis de cette catégorie d’élèves.

  • Objectif spécifique 2

Quant au second objectif de l’étude, il est de vérifier si les pratiques éducatives des enseignants des classes intégrées de l’ABAPE vis-à-vis de leurs élèves vivant avec des troubles autistiques détermine ou pas, l’attitude des autres élèves vis-à-vis de leurs pairs vivant avec cette déficience.

Entendons ici par pratiques éducatives, les interactions enseignants-apprenants et les méthodes pédagogiques usitées dans le cadre de l’enseignement/apprentissage au sein de la classe.

  1. INTERET DE L’ETUDE

Cette étude présente un intérêt certain à plusieurs égards. Elle met en exergue, l’importance de la formation de l’enseignant évoluant en contexte inclusif. En effet, la formation spécialisée des enseignants à la prise en charge éducative des enfants à besoins éducatifs spéciaux est communément admise comme l’élément primordial de réussite à tout projet d’inclusion scolaire.

Pour le cas présent, cette formation à la prise en charge psychopédagogique de la pathologie autistique revêt d’une importance capitale en ce sens qu’elle suscite chez l’enseignant, le sentiment d’auto-efficacité qui peut être appréhendé comme la croyance que possède un individu en sa capacité à produire une tâche et à réaliser des performances particulières E. Cappe, N. Smock et E. Boujut (2014).

  1. CADRE THEORIQUE DE L’ETUDE

La formation des enseignants sera d’un intérêt pour la prise en charge éducative des élèves autistes. Selon K. Gib et al, (2007), une attitude négative de l’enseignant peut constituer une barrière majeure à l’intégration de l’élève autiste :

Elle est susceptible, non seulement d’influencer le comportement de l’élève ayant un TSA, mais le comportement des pairs à l’égard de cet élève. En effet, en plus d’adopter implicitement un rôle de modèle pour les pairs, l’enseignant peut préparer ces derniers à la venue d’un élève ayant un TSA dans la classe et encourager son acceptation par le groupe (p.24).

Si les élèves dits normaux ne sont pas en effet préparés à comprendre leurs pairs ayant un TSA, à l’accepter et à lui démontrer de l’intérêt, la tentative de l’intégrer risque d’échouer. C’est donc cette théorie qui servira de base à la présente étude. En considération de tout cela, nous émettons les hypothèses ci-dessous.

 

  1. HYPOTHESES DE L’ETUDE

Elles se composent d’une hypothèse générale et de deux hypothèses spécifiques.

  • Hypothèse générale de l’étude

Le niveau d’intégration scolaire des enfants atteints d’autisme à l’ABAPE est lié à la qualité de la formation des enseignants quant à la prise en charge psychopédagogique de cette catégorie d’enfants.

  • Hypothèses spécifiques de l’étude
    • Hypothèse spécifique 1

Un enseignant formé à la prise en charge psychopédagogique des enfants vivant avec des troubles autistiques fera usage de pratiques éducatives qui influenceront positivement ses interactions avec cette catégorie d’élèves.

  • Hypothèse spécifique 2

En classe intégrée, le type d’interactions entre l’enseignant et les élèves atteints de troubles autistiques influe sur l’attitude des autres élèves vis-à-vis de leurs pairs vivant avec cette déficience.

  1. METHODOLOGIE

 

  • Champ de l’étude

L’étude a pour champ, l’école Bangré-Yiguia de la ville de Ouagadougou, cette école qui accueille des enfants atteints d’autisme dans des classes expérimentales. Logée  dans la Circonscription d’Education de Base (CEB) de Ouaga IX,  l’école Bangré-Yiguia  est située à environ 300 mètres de l’Association Burkinabè d’Accompagnement Psychologique et d’Aide à l’Enfance (ABAPE), une structure qui œuvre pour la prise en charge éducative des enfants atteints d’autisme.

  • Population de l’étude

La population qui a fait l’objet de notre étude est composée des enseignants titulaires et suppléants de classes intégratrices pour le premier groupe de sujets et des élèves dits « normaux » de ces classes pour ce qui est de la deuxième composante de notre population. Nous n’avons malheureusement pas pu associer à l’étude, les enfants de ces classes, vivant avec l’autisme, la communication avec eux étant très difficile à établir.

Au regard de l’étendue de la population que nous jugeons maîtrisable au plan des effectifs, nous n’avons plus eu besoin de procéder à un échantillonnage.

Ainsi, notre population d’étude se compose de 158 sujets, c’est-à-dire 6 enseignants de classes intégratrices, soit deux enseignants par clase (un titulaire et un suppléant) et de 152 élèves dits normaux, fréquentant ces classes intégratrices.

  1. PRESENTATION DES INSTRUMENTS DE COLLECTE DES DONNEES ET DEROULEMENT DE L’ENQUETE

 

  • Les instruments de collecte de données

 Les instruments ayant servi à la collecte de données sont ici de deux ordres à savoir :

  • Le guide d’entretien.

Nous avons eu recours au guide d’entretien pour deux raisons diverses. La première est que relative à la taille de notre population d’étude qui est en effet, réduite. La seconde est quant à elle, relative à la plus grande liberté d’expression qu’offre l’entretien semi-directif sur les thèmes abordés selon R. Mucchielli (2007) et l’étendue des réponses constatées, qui parfois offrent plus de chances au chercheur de découvrir des aspects de la question non perçus pendant l’élaboration de ses outils d’enquête. Ainsi, notre guide, conçu sur la base de rubriques thématiques, nous a permis de recueillir les points de vue des acteurs sur le sujet. Se fondant que tous les enseignants soumis à notre enquête ont été formés à la tenue d’une classe inclusive, nous n’avons pas jugé nécessaire d’ouvrir une rubrique concernant leurs représentations du handicap.

  • La grille d’observation de la pratique-classe.

La grille d’observation a été conçue pour évaluer non seulement la rigueur méthodologique des différentes disciplines, les pratiques d’intégration à travers les actions impliquant les élèves atteints d’autisme dans le processus d’enseignement/apprentissage, leur intégration dans les groupes d’étude, le tutorat par les pairs, mais aussi l’utilisation de matériel spécifique pour l’enseignement de cette catégorie d’enfants.

  • Le déroulement de l’enquête

L’enquête s’est déroulée sous deux phases distinctes : l’entretien et l’observation de leçons. L’entretien a été subdivisé à son tour en deux étapes. La première, celle qui a concerné les enfants dits normaux et fréquentant les mêmes classes que leurs pairs vivant avec l’autisme, s’est déroulée sur une période de deux semaines. Nous avons opté pour des entretiens courts c’est-à-dire occupant en moyenne entre 10 et 15 minutes chacun au regard de l’âge des sujets qui est compris entre 7 et 10 ans et du temps qui était imparti à ces interviews (pendant la récréation entre 10h et 10h30mn et à la fin des cours à partir de 16h). Nous avons pour le fait que nous ne sommes pas locuteur du moore (langue maternelle des enfants) et du fait que leur niveau de pratique du français est très bas (les plus avancés sont au cours élémentaire première année), eu recours à un interprète locuteur natif du moore. Tous les entretiens avec les enfants se sont déroulés en l’absence des enseignants quand bien même qu’ils fussent chaque jour, à la base de l’organisation de l’ordre de passage des sujets. Nous nous sommes servis d’un enregistreur électronique (Sony t-mark) pour la consignation des entretiens qui ont été par la suite traduits par notre interprète avant d’être retranscrits.

Quant aux entretiens réalisés avec les enseignants, ils se sont déroulés en deux jours. Le temps consacré à chaque entretien a été en moyenne de 25 minutes. Le même enregistreur a servi pour la consignation de ces entretiens qui ont par la suite été retranscrits également.

En ce qui concerne l’évaluation de la pratique-classe, nous avons laissé la latitude aux enseignants de choisir chacun trois disciplines devant faire l’objet de l’observation. A l’aide de la grille élaborée à cet effet, nous avons pu observer des leçons dans les trois classes intégratrices de l’établissement en deux jours.

  • Modalités de traitement des données

     Les données recueillies ont été traitées par dépouillement manuel des fiches. Les réponses obtenues ont été classées par rubriques et par centre d’intérêt.

  1. PRESENTATION ET INTERPRETATION DES RESULTATS

 

  • Du lien entre la formation des enseignants et l’usage de pratiques pédagogiques appropriées.

Avant la vérification de ce lien, nous nous sommes intéressés à la proportion d’enseignants formés à la tenue d’une classe inclusive avec des enfants vivant avec des troubles autistiques. Il ressort de cette vérification qu’aucun des 6 enseignants des trois classes intégratrices, n’a reçu de formation en la matière dans une école de formation initiale d’enseignants.

 Néanmoins, ils ont affirmé avoir été formés par l’ABAPE sur deux méthodes d’enseignement pour la prise en charge des enfants à besoins éducatifs spéciaux, vivant avec un trouble autistique. Il s’agit des méthodes TEACCH et PECS

La première d’entre elles est la méthode développementale Treatment and Education of Autistic and Related Communications Handicapped Children (TEACCH) développée par E. Schopler (1965). Pouvant se traduire en français par traitement et éducation des enfants avec autisme et autres handicaps de la communication, cette approche développée par E. Schopler et ses collaborateurs, fut officiellement reconnue en 1972 aux Etats-Unis d’Amérique. La méthode basée sur l’approche TEACCH est particulièrement destinée aux enfants atteints de troubles envahissants du développement. Elle se base sur les principes suivants :

–  fragmenter les contenus pédagogiques à transmettre, de telle sorte que l’on n’aborde qu’une seule difficulté à la fois. Autrement dit, les objectifs globaux doivent être subdivisés en sous-objectifs spécifiques et l’enseignant les abordera du moins complexe au plus complexe.

–  dispenser en général à l’élève des contenus ou activités qui sont entièrement à sa portée, compte tenu des évaluations qui ont été réalisées.

–  assurer la prévisibilité du cadre pédagogique en suivant rigoureusement les rituels de la classe. Elle est une approche cognitivo-comportementale et a pour but de développer l’autonomie de l’enfant en aménageant son environnement. E. Schopler et al (1965) partent du principe que la structuration de l’espace et du temps influence fortement la compréhension de l’enfant sur son environnement et il faut pour cela, adapter l’environnement pour tenir compte des déficits cognitifs constatés.

Quant à la deuxième méthode, elle est dénommée « Picture Exchange Communication System (PECS) » (Système de Communication par échange d’images) A. Bondy et L. Frost (1985).

Elle est essentiellement utilisée auprès d’enfants ayant des troubles de communication caractérisée par une absence de langage fonctionnel.

Cette approche se présente donc comme une alternative qui se substitue au langage oral lorsqu’il est absent. En outre, elle permet d’étendre la communication d’un enfant qui parle mais dont le langage oral n’est pas assez fonctionnel, intelligible, spontané, étendu au plan lexical ou syntaxique.

Même si les enseignants ont souhaité à l’unanimité l’approfondissement de la formation à travers d’autres sessions, ils ont tous néanmoins déclaré, disposer de bases pédagogiques nécessaires pour la gestion de leurs classes. Cette acquisition de compétences selon eux, s’est effectuée à travers une formation théorique mais aussi par des exercices de pratique-classes.

En ce qui concerne l’usage de pratiques pédagogiques adaptées aux besoins spécifiques des enfants vivant avec l’autisme, nous avons, à travers notre grille, pu observer que tous les enseignants enquêtés mettent en pratiques, les méthodes requises pour la participation effective des enfants vivant avec l’autisme, à la construction de leurs propres savoirs. Il s’agit plus précisément de l’adaptation du cadre de travail aux exigences d’une classe inclusive avec des enfants autistes, des consignes de l’individualisation de l’enseignement, de l’aide des pairs, de la guidance lors de la réalisation   de la tâche, de l’adaptation de l’évaluation et de la valorisation de l’élève.

  • De l’influence des d’interactions enseignant/élèves atteints de troubles autistiques, sur l’attitude des autres élèves vis-à-vis de leurs pairs vivant avec cette déficience.

Des entretiens réalisés avec les élèves des classes intégratrices, il a été question de vérifier l’influence des relations entre les maitres et les élèves vivant avec l’autisme sur celles que ces derniers entrainent avec leurs pairs dits normaux.

Il est ressorti de nos entretiens que la totalité des élèves de ces classes intégratrices a été sensibilisée aux conditions des élèves avec autisme avant l’arrivée de ces derniers au sein de l’école. L’entretien a révélé que tous les élèves des classes accueillant des enfants avec autisme le sont régulièrement à travers les leçons de morale et d’éducation civique. Mieux tous les élèves de l’école ont été préparés à la venue des enfants avec autisme par toute l’équipe enseignante. Les maitres leur ont également demandé de jouer avec leurs camarades avec autisme pendant la récréation, en dehors de la classe si possible.

Ainsi, les élèves ont pu identifier de la part de leurs pairs vivant avec l’autisme, certaines attitudes comme ne pas bien voir ou entendre, les difficultés à communiquer et à jouer avec les autres, toute chose qui laisse entrevoir que les pairs sont conscients des difficultés vécues par leurs camarades vivant avec l’autisme.

Pendant les activités de groupe de la pratique-classe, nous avons pu observer que les élèves sans handicap, à l’instar de leurs enseignants, aident leurs camarades avec autisme dans l’exécution des exercices en cas de difficultés.

 Les enseignants créent ainsi de par leurs interactions avec les élèves vivant avec l’autisme, des situations pour susciter les interactions entre les élèves autistes et les pairs sans handicap.

  1. DISCUSSION DES RESULTATS

 

Rappel des hypothèses

Hypothèse spécifique 1

« Un enseignant formé à la prise en charge psychopédagogique des enfants vivant avec des troubles autistiques fera usage de pratiques éducatives qui influenceront positivement ses interactions avec cette catégorie d’élèves.»

Nous avons pu observer chaque enseignant dans sa pratique de la classe. Ainsi, il a été relevé que tous les 6 enseignants font usage de méthodes et techniques appropriées pour la prise en charge d’enfants vivant avec l’autisme. Ils ont tous affirmé avoir été formés en la matière par l’ABAPE et des sessions de recyclage se déroulent régulièrement à leur intention. Au regard de tout cela, nous pouvons affirmer que notre première hypothèse secondaire est corroborée.

Hypothèse spécifique 2

« En classe intégrée, le type d’interactions entre l’enseignant et les élèves atteints de troubles autistiques influe sur l’attitude des autres élèves vis-à-vis de leurs pairs vivant avec cette déficience

Il est ressorti de notre enquête que tous les élèves sans handicap des trois classes visitées, ont une propension à venir en aide à leurs pairs vivant avec l’autisme, en difficulté pendant l’apprentissage. Ils affirment tous le faire sans crainte (même si cela n’était pas le cas au début) car ils ont vu que ces derniers ne sont pas différents d’eux au vu des interactions qu’ils entretiennent avec les enseignants. Cela les pousse à les intégrer dans les équipes de jeux en dehors de la classe. Au regard de tout cela, nous pouvons affirmer que notre deuxième hypothèse est également confirmée.

 Ainsi, l’on pourrait affirmer que le niveau d’intégration scolaire des enfants atteints d’autisme à l’ABAPE est lié à la qualité de la formation des enseignants quant à la prise en charge psychopédagogique de cette catégorie d’enfants.

CONCLUSION

La présente étude nous a conduit à la conclusion que la réalisation de l’intégration scolaire des enfants atteints de troubles autistiques passe par la mise en œuvre de pratiques éducatives  appropriées par l’enseignant.  Ces pratiques éducatives sont d’une importance capitale pour non seulement l’apprentissage de cette catégorie d’enfants à besoins éducatifs spéciaux, mais surtout pour son intégration au sein du groupe-classe et partant, de la société toute entière. Comme le soulignent les behaviouristes, l’enfant apprend par imitation de l’adulte  et c’est en cela que joue la qualité des interactions entre l’enseignant et ses élèves atteints de troubles autistiques ; la qualité des relations entre ces derniers et leurs pairs dits normaux en dépend fortement. E. Schopler et al. (2002) et C.Tardif (1994), soulignent en plus de  ces pratiques éducatives interactionnelles, l’importance de la préparation  et celle du rôle des pairs pour améliorer les aptitudes sociales chez l’enfant atteint d’autisme à travers le tutorat.

BIBLIOGRAPHIE

 

BEAUGUITTE Agnès (2006) Etude sur l’intégration scolaire des enfants autistes en France,

 Autistes sans frontière, Think positive.

BONDY Andy et FROST Lori (1985) The pictures exchange communication system,

                        Pyramid Educational Consultant Inc.

CAPPE Emile, SMOCK Nicole et BOUJUT Emile (2016). Scolarisation des enfants ayant des

troubles du spectre de l’autisme et expérience des enseignants : sentiment d’auto-efficacité, stress perçu et soutien social perçu, l’évolution psychiatrique, 81, presses universitaires du Septentrion

GIBB Kathryn, CHUA Angelia et FREDERICKSON Norah (2007), Moving from special

 School to Inclusion, éditions Hurtubises, Montréal

Haute Autorité de Santé (HAS) (2010), Prévalence de l’autisme et autres troubles

envahissants du développement : données des régistres français de population, génération 1995-2002

MUCCHIELLI Roger (2007). L’entretien de face à face dans la relation d’aide. Paris : ESF.

SCHOPLER  Eric (1965) Early Infantile Autism and Receptor Processes. Archives of General

 Psychiatrie, 13

SCHOPLER Eric, REICHLER Robert et LANSING Margaret (2002). Stratégies éducatives

De l’autisme et des autres troubles envahissants du développement, Masson, Paris

TARDIF Carole (1994). L’intégration scolaire vécue par les enfants, Presses universitaires

 de Lilles

 

ANNEXES

Annexe I : Guide d’entretien pour élèves dits normaux des classes intégratrices.

I : Identification

Classe : …………

Nom et prénom(s) : ………………………..

 

  1. Perception du pair autiste 
  2. Quel âge as-tu ?
  3. Connais-tu un/des enfants autistes dans ta classe ?
  4. N’as-tu pas peur de lui/d’eux ? Pourquoi ?
  5. Vous travaillez dans le même groupe en classe ?

Il/ils est/sont différents des autres élèves ? En quoi ?

  1. Pendant la récréation vous jouez ensemble ?
  2. Quels conseils le maître vous donne vis-à-vis de lui/d’eux ?
  3. Le maître aussi s’approche de lui/d’eux quand ils ont besoin de lui ?
  4. Il joue souvent avec lui/eux comme avec tous les autres élèves ?

[1] Terminologie de l’UNESCO

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