LA COLONISATION ET LES INDÉPENDANCES AFRICAINES : DEUX MYTHES DE LA CHUTE DE L’HOMME
Yao Jean Marie KONAN
Doctorant, Lettres Modernes, option Littérature Générale et Comparée
Université Félix Houphouët- Boigny, Cocody – Abidjan
Résumé
Au regard des traitements iniques infligés par des humains à leurs semblables, au regard des droits de l’homme violés et des libertés individuelles piétinées, l’essence humaine dans son intégrité se désagrège progressivement et parallèlement émerge le trope de la bête. L’objectif a été d’interroger la colonisation et les indépendances africaines par le roman postcolonial, de les poser comme cause de la mort de l’humanité et de l’émergence de la bestialité. La duplicité du projet colonial et l’abjection des dictatures africaines à travers des discours dégradants, des systèmes politiques déshumanisants, des valeurs morales phagocytées, des sujets métamorphosés (…) ont fragilisé les frontières normatives entre l’humanité et l’animalité, et donc réussi à faire basculer l’espèce humaine dans le registre bestial.
Mots-clés : Postcolonial – colonisation – indépendances – humanité – bestialité
Abstract
Considering bad treatments imposed by human to other human beings, considering human wrights violated and individual liberties thrown down, human root in its integrity is progressively destroying and logically appears the beast symbol. The aim was to investigate colonisation and african independances through postcolonial litterature, to present them like the main reason of humanity death and beastialy boening. The duplicity of colonial ambition and hating of afrcan dictatures through bad words, bad political systems, morals values destroyed, transformed people (…) have fragilised normative limits between humanity and animality, and so have succeded to introduce human kind into animal register.
Keywords : Postcolonial – colonisation – independances – humanity – beastialy
INTRODUCTION
« La colonisation n’a pas seulement été un moment historique, moins encore une parenthèse, mais (…) elle a laissé des traces tangibles, une empreinte durable, des séquelles profondes [à commencer par le formatage des consciences et la multiplicité des clichés et stéréotypes pour aboutir sur les traitements inhumains] » (Smouts, 2007 ; 63)
L’intérêt des sciences humaines et sociales pour les études postcoloniales réside, entre autres, dans le fait que le concept de postcolonial analyse l’homme, son histoire et ses espaces dans une perspective nouvelle, sous un angle qui ne souffre d’aucune pression quelconque et qui n’est point assujetti à une idéologie partisane. Cette pensée propose « un réexamen de l’histoire et de son poids contemporain à partir d’une analyse des conséquences culturelles et identitaires des relations inégales de la colonisation » (Dimitri Della, 2009 ; 19) La dynamique de cette pensée réside non seulement dans sa capacité à déconstruire les grands récits qui ont « apprivoisé » le nègre et ses espaces, donc à faire la lumière sur la colonisation, mais aussi dans sa capacité à mener «une réflexion sur les fractures, sur ce qui reste de la promesse de vie lorsque l’ennemi n’est plus le colon à proprement parler, mais le frère » (Mbembe, 2006) pour parler ici des indépendances africaines qui se sont révélées plus une écharde qu’un soleil apportant un espoir nouveau aux Africains.
Ces deux cas de figures (la colonisation et les indépendances africaines), faut-il le souligner, ont longuement affecté les espaces colonisés, phagocyté les acteurs pour qui se pose désormais la question de leur humanité. Il sera question d’analyser la manière dont elles ont été des machines qui ont désacralisé l’homme. L’étude de ces faits, de leurs rôles dans la descente aux enfers de l’humain sera au cœur de notre problématique. Plus clairement, nous posons la question de savoir comment la fiction romanesque en situation postcoloniale représente la colonisation et les indépendances africaines dans la déchéance de l’homme ?
L’analyse, à travers une méthode d’analyse textuelle adossée à la théorie postcoloniale, suivra une démarche en deux temps : d’abord, elle présentera une brève histoire de la colonisation à partir du discours colonial et de la conquête des terres africaines pour montrer leurs rôles dans la déchéance de l’homme respectivement au niveau psychologique et au niveau de son intégrité physique. Dans un second temps, il sera question de voir comment ce qui passait pour le salut d’une Afrique déjà meurtrie des affres de la colonisation s’est révélé comme le coup d’achèvement. Cette partie proposera une analyse du roman d’Ahmadou Kourouma en insistant sur la représentation qu’il fait de l’espace postcolonial, de ses acteurs, ainsi que tous les isotopes convoqués aux côtés de la colonisation comme foyers de violence et lieux qui phagocytent des sujets ordinaires en des bêtes féroces au cœur de ce qui est devenu une jungle dans laquelle seule « la loi du plus fort » s’impose.
- DU DISCOURS COLONIAL À LA CONQUÊTE DES TERRES AFRICAINES : VERS LA PERTE/MORT DE L’HUMANITÉ
Le discours occidental qui sert de support pour la colonisation prônait l’humanisme, l’apport de la Lumière et de la civilisation à des peuples barbares. En clair, le texte colonial assimilait le nègre à la bête, décrivait l’espace habité par le noir comme un lieu sylvestre, qualifiait l’indigène de sauvage tant par son physique que par son agir. Tout était pris en compte : la race semblable aux ténèbres diabolisait le noir, le corps avec des organes grossièrement formés le rapprochait du singe anthropoïde, ses réactions aussi violentes que réflexes l’inscrivait sans conteste dans le registre animalier. À ce propos, Mbembe dira qu’
En tant qu’animal, l’indigène est supposé appartenir à la famille de ces choses éminemment mécaniques, presque physiques, sans langage, bi+en que douées d’organes de sens, d’os, de veines, de muscles, de nerfs et d’artères dans et par lesquels, la nature dans sa force vierge se manifeste. Placés sur les marges de l’humain, l’indigène et l’animal appartiennent au registre de l’imperfection et de l’erreur. N’ayant pas atteint l’âge d’homme, ils ne peuvent pas se mettre debout par eux-mêmes. Voilà pourquoi ils sont cloués sous l’emprise d’un autre. (Mbembe, 2000 ; 267)
Il va sans dire que peu à peu, l’on assimilait l’indigène à la bête, son cannibalisme était démontré. Parallèlement tout ceci révèle la nécessité de la « domestication de cet être barbare ». Lajeune Patricia cité par Anthony Mangeon dira que « les Noirs vivent avec les bêtes et ressemblent aux bêtes » (Lajeune, in Mangeon, 2006 ; 53-59). En effet, les colons se présentaient comme « nation héritière des Lumières », montraient donc leur responsabilité de « civiliser », d « éclairer », d’ « instruire » les autres peuples. Tout ce discours a fini par prédisposer le nègre à admettre une fausse réalité : le besoin de civilisation par l’Occident ; garant des Lumières. Plus précisément, des tropes se sont cristallisés par la vulgarisation d’un tel discours : un être supérieur semblable à un démiurge en la personne de l’homme blanc et un sous-homme, beaucoup plus proche de l’animal que de l’humain. La question de la différence, posée comme un véritable malaise identitaire selon Edouard Glissant, apparait comme un premier facteur de désacralisation de l’homme. En effet, un tel discours, favorisant la formation des clichés, affecte la psychologie de l’individu et le conduit inévitablement à être complexé dès lors que son humanité est controversée.
Dans le complexe qui partageait le nègre de l’occupant colonialiste, les espaces participaient, de façon imagée, de ce distinguo. En effet, autant des stéréotypes idéalisaient l’homme blanc, et dans le même temps assimilait le nègre au petit diable, autant leurs espaces ne restaient pas en marge. Ainsi donc, la cité convenait le mieux aux savants, quand les hommes qualifiés de sauvages ne pouvaient qu’habiter l’espace abritant de tels sujets c’est-à-dire la brousse. De ce fait, la notoriété du nègre en tant qu’ « homme » se dégrade.
La conquête des terres africaines se fera dans un véritable bain de sang, parler d’hécatombe ne serait guerre une exagération, et si l’on se réfère au droit international sur les droits de l’homme, les sévices que les noirs ont subi pourraient être qualifiés de crimes contre l’humanité. Au bilan, les violences lors des conquêtes ont fait saigner des peuples entiers et compromis leurs chances au développement, retardé l’évolution de nombreuses nations et hypothéqué les possibilités de libération de ces sociétés et leurs potentialités créatrices. Aimé Césaire parlera
de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées (…) de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan (…) de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse (Césaire, 1950 ; 23-24).
Lorsque la colonisation décimait libertés, cultures, confort au sein de l’Afrique, un mystère hantait les sociétés. Le contraste entre les raisons de l’invasion des terres du continent africain et le trafic auquel s’adonnait réellement le colon brouillait les pistes, donc remettait en mal le bien-fondé de la colonisation. La colonisation devint un mystère pour les peuples noirs. Elle s’est donc montré comme un mythe expliquant le mal de l’Afrique, et partant la chute de l’homme.
À l’opposé, les leaders africains ont ‘‘fabriqué’’ des stéréotypes pour mobiliser leurs troupes contre l’entreprise coloniale de la manière suivante : résister radicalement à un ennemi présenté comme bouc émissaire. Et pourtant, moins d’une décennie après les indépendances, le constat révèle qu’en réalité, les indépendances ont tué l’humanité et promu dans le même temps la bestialité.
- LES INDÉPENDANCES AFRICAINES ET L’ÉMERGENCE DE LA BESTIALITÉ
Nous avons naïvement cru que seule la colonisation empêchait les Africains de devenir des hommes accomplis comme tous les hommes. Par exemple, si des Africains volaient, c’était à cause du colonialisme. Qu’il cesse, et ils se mettraient tous à la tâche. Tout le monde allait se sacrifier pour l’Afrique. Mais nous n’avions pas tenu compte de sa réalité, de sa psychologie. (…) Et les intellectuels, comme les autres, n’ont voulu que s’en mettre plein les poches (René Lefort et Mauro Rosi, 1999 ; 46-49)
Ces propos de Kourouma confirment dans un premier temps la forte contribution de la colonisation dans la chute de l’homme. Secundo, ils attestent que les indépendances tant réclamées n’ont pas donné les résultats escomptés. C’est un fait que l’année 1960 s’est annoncée prometteuse pour les Africains à qui l’on a proclamé une indépendance, peut-être trop prématurée pour une Afrique dans laquelle les palabres intestines étaient encore béantes. Ce constat n’a pas échappé à la vigilance de Kourouma qui, déjà avec Les soleils des indépendances, mettait en relief les grands bouleversements avec l’avènement des indépendances. Avec En attendant le vote des bêtes sauvages, toute la théorie du désir mimétique développée par Réné Girard trouve sa pertinence et sa véracité.
Une analyse de cette dernière œuvre de Kourouma présenter à la manière dont la fiction romanesque s’est révélée être le lieu par excellence d’interprétation et de représentation de cette déchéance. En effet, les espaces ne sont plus cloisonnés au point où la cité ne diffère en rien de la brousse, les systèmes politiques dans leurs organisations ressemblent à des parties de chasse, les hommes disputent avec l’univers sylvestre les mêmes attributs et comportements, le tout présenté dans une écriture violente tant les formes et canons d’écriture sont agressées, tant les normes de pudeur, d’éthique sont en option.
2.1 En attendant le vote des bêtes sauvages : la cité ou la brousse ?
Si nous soutenons avec Jean Jacques Rousseau (1931) que la cité devrait être perçue beaucoup plus sur la base de l’organisation, de la vie collective, de l’association des volontés individuelles, du règne des institutions que par un espace habité par une catégorie d’êtres vivants, il faudrait analyser sous un angle nouveau l’espace que représente l’auteur de Les soleils des indépendances. La description de la tribu du président-dictateur fait-elle état d’une cité ? « Les territoires sont vastes, montagneux et inhospitaliers » (Kourouma, 1998 ; 12). Une telle description inspire l’image d’une véritable jungle habitée par les bêtes les plus féroces. Les territoires habités par les montagnards sont d’autant plus difficiles à subjuguer que les colonisateurs doivent solliciter des experts en la matière c’est-à-dire les ethnologues, ils devront ensuite faire preuve de patience, adopter des stratégies particulières pour accéder à ces territoires montagneux, ce qui ne constituera qu’une étape primaire. En effet, il faudrait, après avoir trouvé les moyens d’accéder à Tchaotchi, préparer ses occupants (les montagnards) à la subjugation. « Aux curés d’inventer les artifices, de communiquer avec les hommes nus, de les évangéliser, de les christianiser, de les civiliser. De les rendre colonisables, administrables, exploitables » (Kourouma, Op. Cit), car chez les montagnards, le système social impressionne
Des hommes totalement nus. Sans organisation sociale. Sans chef. Chaque chef de famille vit dans son fortin et l’autorité du chef ne va pas au-delà de la portée de sa flèche. Des sauvages parmi les sauvages avec lesquels on ne trouve pas de langage de politesse ou violence pour communiquer. (Kourouma, Ibid)
Ce système est beaucoup plus individualiste que collectif vu que chacun contrôle le territoire qu’il peut conquérir. Ici tout est rapport de force/faiblesse, autorité/ soumission, courage/peur, alors que dans la cité, la loi du Talion inspire la question du jugement, de la justice et de l’égalité, du respect de tous les individus.
Si l’espace que présente Kourouma fait penser à la jungle, alors admettons que sa qualification s’effectue aussi sur la base de l’usage de la force, donc de la violence. En effet, chez les paléos, trouver le héros d’un fortin, s’allier à une âme sœur fait appel à la violence.
Dans une cité, l’héroïsme et la célébrité s’évaluent et s’apprécient entre autres par l’ingéniosité, l’exploit, le talent. De la cité émergent donc des inventeurs, des célébrités du cinéma, les grands théoriciens qui ont élaboré de grandes thèses, débattu les grandes questions, des hommes politiques qui ont initié ce qui constitue aujourd’hui la force de nos institutions. En exemple, Thalès de Milet a marqué l’histoire des mathématiques par de nombreux exploits arithmétiques, Thomas Edison fut célèbre par ses nombreuses inventions notamment celle de l’ampoule. Dans l’œuvre de Kourouma, l’héroïsme s’évalue par la capacité à« fabuler », par la puissance de son pet ou encore par les exploits lors des luttes initiatiques.
Chez chaque peuple, chaque communauté, chaque village, il y a un héros, l’homme le plus connu, le plus admiré, la coqueluche. (…) Dans une tribu du Sénégal c’est le plus gros fabulateur, le plus gros menteur. Chez les Konaté de Katiola (…), la coqueluche est le plus gros péteur. Chez les paléos, les hommes nus qui furent abandonnés aux curés et aux ethnologues, l’homme le plus admiré est l’évélema, le champion de luttes initiatiques (Kourouma, 1998 ; 12-13)
La brousse, contrairement à la cité, se reconnait par des signes distinctifs. C’est un espace difficilement praticable et très peu fréquentable par l’homme tant la féodalité, la cruauté, le sadisme, le danger permanent partagent les occupants. Les plus forts règnent et s’imposent. L’insécurité règne et menace les plus faibles. En d’autres termes, la brousse n’est rien d’autre que cet espace constamment hanté par la cruauté de certains fauves, l’ingéniosité, la patience et la persévérance des autres. Le règne de la mort ne peut que s’accentuer dans un tel espace. Dans la brousse, les bêtes s’entretuent pour assouvir ou répondre à des questions alimentaires, de survie, de défense, de règne à telle enseigne que la mort trouve ainsi toute son évidence voire sa banalité. Lorsque Kourouma présente son espace, il le présente comme dangereux et déshumanisant,beaucoup plus que celui de la brousse. Ainsi dit-il dans En attendant le vote des bêtes sauvages :« Les communautés animales étaient supérieures aux sociétés des hommes. Les bêtes ne tuaient et ne se détruisaient que pour survivre, se défendre ; les hommes très souvent anéantissaient sans nécessité, par méchanceté, par jalousie » (Op. Cit. ; 61). Par ailleurs, la culture des Paléos est très caduque en comparaison à une société où les droits de l’homme sont respectés et où l’émancipation atteint son point culminant. Des pratiques comme le rapt-mariage ou encore l’accompagnement d’un défunt soit par des captifs, soit par des voyageurs imprudents, lesquels iraient servir le défunt roi dans l’au-delà, ne peuvent avoir de pertinence scientifique. Autrement dit, les sciences exactes enseignées dans les espaces tels que la ville ne peuvent concevoir ces choses que sous le label de l’horreur, de l’impensable et ne peuvent reléguer une telle pratique qu’à l’espace de la brousse.
Chez les Agnis, ethnie du groupe des Akans, un chef ne va jamais seul dans sa tombe. On l’inhume toujours avec ceux qui dans l’au-delà le serviront. Avant la colonisation européenne, le chef était inhumé avec ses captifs. Après la suppression de l’esclavage, les Agnis kidnappent les voyageurs isolés. De nombreux voyageurs qui s’étaient aventurés dans les forêts habitées par les Agnis, les Baoulés ou autres peuples de l’ethnie Akan n’avaient jamais été retrouvés (…)» (Kourouma, 161).
L’espace social n’est plus un espace de vie, mais un espace cynégétique où l’homme chasse son semblable. L’assertion du philosophe Thomas Hobbes prend tout son sens lorsqu’il proclame la férocité de l’homme à l’égard de l’homme « l’homme est un loup pour l’homme ».
Il est clair que ces espaces dans l’œuvre de Kourouma se rapprochent plus de la brousse. Par conséquent les sujets qui atterrissent dans ce monde se doteront d’un système propre à ce nouvel espace, c’est-à-dire la chasse. Si l’on postule que l’environnement influence le comportement de ses occupants, admettons l’existence d’une affinité entre l’espace et les systèmes socio-politiques. Dans les espaces de Kourouma, semble se rapprocher le jeu politique et l’imaginaire de la chasse. En termes plus clairs, le jeu politique chez Kourouma semble croiser le chemin de l’imaginaire de la chasse.
2.2 Le jeu politique chez Kourouma ou l’imaginaire de la chasse
La politique est comme la chasse, on entre en politique comme on entre dans l’association des chasseurs. La grande brousse où opère le chasseur est vaste, inhumaine et impitoyable comme l’espace, le monde politique. Le chasseur novice avant de fréquenter la brousse va à l’école des maîtres chasseurs pour les écouter, les admirer et se faire initier (Op.Cit., 183)
Ce propos semble résumer l’effort de Kourouma, sa volonté à montrer que le jeu politique à l’ère dictatoriale fonctionne exactement comme la chasse. Ici l’étrange relation entre la chasse et le jeu politique exprime au mieux la banalité avec laquelle les sujets trouvent la mort. De la même manière que la mort des bêtes participe à la gloire du chasseur, de même, des hommes, même innocents, sont sacrifiés sur l’autel de la politique pour le culte de la personnalité, l’intensification du pouvoir et la pérennité du règne absolu.
Pour préserver l’Afrique d’un avenir capitaliste, la sauver de l’exploitation de l’homme par l’homme, il fallait mieux faire que Tiekoroni, accomplir des sacrifices humains. Boukari recommanda au leader du socialisme scientifique d’attendre le lever du jour du soixante et onzième anniversaire du Bélier du Fasso pour sacrifier soixante et onze personnes. Le 18 octobre à l’aube, l’homme en blanc fit fusiller les soixante et onze codétenus de Maclédio » (Ibid, 175)
« Préserver l’Afrique d’un avenir capitaliste, la sauver de l’exploitation de l’homme par l’homme » n’était qu’un gros prétexte pour couvrir des projets plus macabres. Les bourreaux entendent ainsi affermir leur règne de terreur.
Dans la grande confrérie des chasseurs, l’initiation exige aux néophytes de grands exploits de chasse, c’est-à-dire tuer un certain nombre de bêtes redoutables dites «bêtes noires ». En d’autres termes, est héros celui qui a tué les pachydermes, les fauves les plus redoutables et les plus dangereux. Cette règle engloutit une certaine règlementation dans la chasse et suscite dans le même temps, une certaine barbarie motivée par le désir d’être un héros. Parallèlement, les dictateurs que l’auteur de Monnè, outrages et défis représente, évaluent leurs aptitudes de chefs d’États, leur capacité à diriger dans la multiplicité des pratiques qui font appel à la mort dans toutes ses formes, avec pour victime, le semblable, le frère.
Par ailleurs, les personnages de Kourouma s’accaparent des noms totémiques. En apparence, ces noms laissent transparaitre un fossé entre le personnage et l’animal. Et pourtant la réalité est tout autre. Leurs caractères se rapprochent étroitement des caractères de ces fauves comme le soulignent ces propos : « Mais, les nuits de clair de lune, il se fait rattraper par son comportement, il devient féroce comme un fauve, féroce comme son totem» (Op.Cit., 250). Tout fonctionne comme si pour assurer sa sécurité et asseoir sa politique, éliminer l’autre est nécessaire. Loin de ressembler à une politique qui vise l’épanouissement et la sécurité du peuple, le jeu politique tel que représenté par l’auteur de Monnè, outrages et défis, met en danger le peuple, sa vie ne tient que par la volonté du frère métamorphosé et érigé en ennemi. L’ingéniosité qui devrait faciliter l’élaboration d’un programme de gouvernement efficace est maintenant nuisible pour un peuple déjà meurtri. L’on investit dans les prisons pour enfermer plus de détenus, tenir à l’écart ses adversaires politiques à l’image du chasseur usant d’ingéniosité, se dotant de moyens adéquats afin de tuer les bêtes qui le feraient entrer dans la confrérie des maîtres chasseurs. L’investissement pour truquer des preuves, effacer les raisons véritables qui d’ailleurs sont d’ordres criminels, et dans le même temps fabriquer des preuves au prix de fortune préoccupe nos personnages dans En attendant le vote des bêtes sauvages.
Un animal capturé doit forcément être tué pour satisfaire des besoins alimentaires ou des rituels sacrificiels. Ici, un homme capturé doit forcément mourir, car la prison est un mouroir. L’exemple des battus comme pratique de la chasse peut trouver sa correspondance dans le système politique tel que représenté par Kourouma. Le principe de la battu consiste à mettre une parcelle délimitée et sous contrôle à feu afin de forcer les animaux présents dans cet espace à se mettre à découvert dès lors qu’ils n’ont plus le choix, talonné par un brasier qui les en déloge. La partie de chasse est forcément fructueuse et pourtant que de dégâts causés : forêt dévastée, terre brulée, atmosphère polluée, végétation en voie de dégradation, réchauffement climatique, couche d’ozone menacée, pour ne citer que ceux-ci.
Dans le tableau que présente Kourouma, la politique dans sa pratique cause d’énormes dégâts dont les immédiats sont les pertes en vie humaine, la destruction des infrastructures et des biens matériels. S’en suit à long terme la psychose, le traumatisme, la déchéance. Le programme gouvernemental de Koyaga, celui qui est dévoilé et dont parle le texte avec force, est en inadéquation avec les devoirs de l’État. En réalité, il faut inscrire Koyaga dans sa fonction de chasseur pour comprendre ce programme qui est beaucoup plus celui du chasseur dans la quête perpétuelle et sans rupture de son gibier. En effet, il dépense les biens publics pour ses besoins de chasse. L’autre face macabre est l’entrée de l’occultisme qui vient à les rapprocher, mieux à intensifier la barbarie que la chasse et le jeu politique se disputent dans le récit de Kourouma.
Au terme de ce rapprochement, il convient de retenir que le jeu politique chez Kourouma fonctionne comme l’imaginaire de la chasse qui d’ailleurs sert de prétexte à l’auteur pour s’élancer dans une satire. Madeleine Borgomano dira que « outre le métissage de l’oralité et de l’écrit, du poème épique et du roman, de l’Afrique et de l’Occident, Kourouma réussit une intéressante hybridation de la chasse et de la politique ».
Un tel système politique fonctionnant comme une partie de chasse situe inévitablement les sujets dans une zone de l’entre-deux. Dès lors, la question de leur humanité se pose. Les personnages politiques dans En attendant le vote des bêtes sauvages peuvent être considérés comme des hommes ou devra-t-on les inscrire dans le registre bestial ?
2.3. Les personnages politiques : des hommes ou des bêtes ?
Ce questionnement trouve toute sa pertinence dès lors que les attraits physiques, les apparences ne suffisent plus pour classifier les vivants, dès lors que le déguisement, la chienlit brouillent les distinctions entre les hommes et les animaux ou plus loin, dès lors que l’animal peut par sa domestication être humanisé alors même que l’humain peut perdre de son caractère humain sur la base des pulsions qui semblent le contrôler : « Votre nom : Koyaga ! Votre totem : faucon ! Vous êtes soldat et président. Vous resterez le président et le plus grand général de la République du Golfe (…) Vous êtes chasseur ! Vous resterez avec Ramsès II et Soundiata l’un des trois plus grands chasseurs de l’humanité » (Ibid, p. 9)
C’est un signal fort pour l’auteur qui présente son personnage dans des fonctions multiples (chasseur, mystique, soldat), des fonctions qui contrastent le plus souvent avec le titre de président. Il ressort que ce ne sont pas les caractères de président qui transpirent dans l’agir du personnage. En effet, tout attestait, hormis la prédiction de sa mère c’est-à-dire les résultats de la géomancie, qu’il y avait une incompatibilité entre le personnage de Koyaga et la fonction de président. Que ce soit sa posture, son passé, son aura, son style oratoire, tout porte à croire que la fonction de président ne lui convenait pas.
Tout le monde disait qu’il n’avait pas le physique, la culture et l’aura pour succéder au président Fricassa Santos. Tout le monde pensait que la seule chose que le maître chasseur avait apprise et savait faire et bien faire était tuer. (…) il était timide. Il parlait peu, parlait mal, bégayait. Il était mauvais, très mauvais orateur. Ses joues étaient labourées par des scarifications rituelles et tribales. Présenter des scarifications dans l’Afrique moderne attire les regards, suscite un complexe. Il était un gros complexé. Il lisait péniblement, écrivait difficilement ; il restait un gros primaire. Un primaire, complexé, mauvais orateur, timide ne peut faire un chef d’État. Koyaga le savait, en convenait. (Ibid, p.102)
Par analyse, le long voyage qu’effectuera Koyaga, juste après son accession à la magistrature suprême le détachera progressivement de son humanité pour l’initier à la bâtardise. Les conseils que les initiateurs donnent au nouveau chef d’État présageaient l’échec, pire, cette mystagogie réveillait ses instincts bestiaux. Ne pas « séparer la caisse de l’État de sa caisse personnelle », ne pas « instituer de distinction entre vérité et mensonge » (Idem., p. 197). sont des résolutions contraires à la déontologie de chef d’État. Et pour résultat, Koyaga va consacrer « trop d’argent à l’armement, beaucoup plus d’argent à la Défense qu’aux ministères de la Santé et de l’Éducation réunis » (Idem, p. 338).
Tous les personnages que Kourouma représente en tant que chefs d’États ont une autre appréhension de la politique. Ce qui leur arrache le statut de président réside dans les actions qu’ils posent, dans les projets qu’ils entreprennent et dans ce qu’ils privilégient. Pour preuve, chaque président dictateur a sa prison. La prison en réalité n’était pas seulement un lieu pour incarcérer les malfaiteurs, mais plutôt un laboratoire pour fabriquer des preuves, un vivier pour assouvir les dieux devenus trop exigeants en sacrifices.
Il envoya en prison – à la mort – tous ceux qui tombaient sous ses mains. Ses anciens ennemis, les membres de leurs familles et les amis des ennemis. Tous ceux qu’il n’aimait pas, leurs proches et leurs amis. Les anciens comploteurs et les futurs. Les anciens communistes et les futurs communistes (Idem, p. 338).
La prison était aussi un endroit pour neutraliser tous les opposants et les suspects, suspects de par un certain nombre d’éléments qui les accusent, mais aussi et surtout suspects de par la volonté du dictateur.
Il va sans dire que les personnages dans En attendant le vote des bêtes sauvages, n’ont pas la carrure de politiques, encore moins de chefs d’États. À côté de cela, le rapprochement trop étroit avec l’univers sylvestre semble effacer leur humanité.
Éléments essentiels des univers sylvestres africains, les animaux fournissent le langage de la caractérisation des personnages. L’analyse du choix prolixe des animaux dans les œuvres africaines contemporaines révèle que ces animaux sont incontournables notamment dans la représentation du pouvoir. En effet, leurs propriétés (force, férocité, violence, vigilance, rapidité, cruauté) se prêtent à la psychologie des hommes d’États chez Kourouma. Il y a donc une adéquation entre leurs propriétés et la psychologie des chefs d’États postcoloniaux.
Ce rapprochement étroit entre l’animal et l’homme répond, comme l’a remarqué Jean-Fernand Bédia à « un procédé esthétique, un principe de création littéraire qui s’inspire des aspects caractéristiques des réalités sylvestres comme la savane, la forêt, les fleuves, les animaux (…) pour décrire, les différentes catégories romanesques comme les personnages » (Bedia, 2008 ; 63-76) mais aussi, répond de la volonté des romanciers à montrer la déchéance, la chute de l’humanité et dans le même temps, l’émergence de l’inhumanité, de la bestialité. Leurs personnages présentent les attributs et caractères bestiaux. Que ce soit la force, la cruauté, l’ingéniosité, la ruse, la rapidité, toute la comparaison est faite avec les animaux, disons que l’animal ici fait office de comparant pour Kourouma. La description du personnage de Koyaga le montre bien. Il est issu de la tribu des paléonigritiques,un peuple dont la barbarie et la sauvagerie impressionnent même les invincibles et téméraires indochinois : « les viets ».
Le traitement inique que fait subir Koyaga aux animaux est cruel. L’héroïsme de Koyaga s’efface dès lors qu’apparait la démesure : la cible n’est plus l’animal et les raisons sont moins nécessaires que lorsqu’il libérait encore les villages des bêtes noires. Son enfance, son milieu sa culture, ses parents ont réussi à phagocyter le jeune Koyaga. L’on comprendra avec le philosophe Jean Jacques Rousseau dans Le discours sur les sciences et les arts (1750) que c’est la société qui corrompt l’homme.
À ce niveau de l’analyse, il ressort que les personnages ne sont pas des politiques, et leur caractère humain s’efface devant le rapprochement étroit avec l’univers animal. La violence à travers les tortures, les assassinats et massacres, les emprisonnements ; méthodes déshumanisantes va conférer à ces personnages politiques une identité bestiale.
« L’empereur voulait que le colonel ait, avant de crever -c’était la règle-, bu ses urines et mangé ses excréments » (p. 217). Quelle règle se demande-t-on ? Celle de torturer un prisonnier ou celle de le bestialiser ? Boire ses urines et manger ses excréments est un fait qui montre que les hommes sont considérés et traités comme des animaux. Dès lors, les frontières entre l’humain et l’animal deviennent très poreuses et les distinctions deviennent difficiles. L’horreur est donc au rendez-vous à l’ère des indépendances africaines.
À toutes ces forces et attributs s’ajoute la magie dont usent les personnages. Le recours à l’occultisme a rendu la mort du président Fricassa Santos très atroce : Ergot de coq, flèches, balles, taillades, émasculation. Tant de pratiques sur un corps sans vie au nom de la magie qui stipule que même mort, le mort doit être « tué ».
C’est le caractère bestial qui va conduire l’homme à négliger l’essence humaine pour réduire son semblable au rang des bêtes. L’analyse a montré progressivement comment l’homme politique quitte l’univers « plus » humain pour être assimilé à la bête à travers toute la férocité dont il fait usage et la manière dont il considère son semblable et le traite. Il est, à ce niveau de l’analyse, aisé de déduire que pour ceux-ci, le monde politique apparaît comme un milieu où priment la force brutale et l’absence de morale et de règles normatives.
Le sexe, dans son usage, parachève le caractère de la bête. L’on atteint le degré zéro de l’humain tant les actes abolissent la frontière habituelle existant entre la vie et la mort, entre le visible et l’invisible, entre le pensable et l’impensable, l’humanité et l’inhumanité, l’imaginable et l’inimaginable.
En somme, cette représentation métaphorique dans laquelle l’homme se substitue à l’animal sert dans un premier temps à dénoncer l’abjection des dictatures (dictatures tenues par des hommes violents, inhospitaliers comme des fauves) et dans un second temps à montrer que le comportement des hommes tel que représenté les inscrit sans doute dans l’univers bestial. Autrement dit, la folie, la mort et la marginalité observées tant chez l’homme que chez l’animal inscrivent l’homme dans le registre bestial.
Conclusion
Face à des colons qui « ne connaissent qu’une seule occupation rentable » c’est-à-dire le trafic des esclaves noirs, devant des politiques fortement influencés par le désir mimétique au sens où l’entend René Girard, l’évidence de la chute de l’espèce humaine ne semble pas surprendre. Si les pratiques déshumanisantes telles que l’esclavage, la traite négrière, la colonisation, les guerres froides ont participé à la déchéance de l’homme, à l’effacement des frontières entre l’humain et l’animal, les dictatures africaines ont montré que le rachat de l’homme, son rétablissement en tant qu’être de valeur reste encore utopique. Alors que les réformes politiques sont prometteuses et que les droits de l’homme prônent le droit à la vie, l’égalité de tous les hommes, alors que les atrocités passées mobilisent la volonté d’éviter leur réédition, la réalité est tout autre : l’humain va decrescendo. En de termes nouveaux, il convient de retenir que le colonialisme, le néocolonialisme, les dictatures africaines ont en réalité été des mythes, donc des récits qui expliquent la chute de l’homme, sa déchéance. Avec des espaces dangereux, des systèmes politiques suicidaires, avec des sujets affectés par le processus colonial donc habités par le désir mimétique, le processus de désagrégation de l’humain se perçoit à travers schéma suivant : d’un côté le sujet victime avec, sa conscience formatée, son humanité contestée, son animalité démontrée, sa culture bafouée, son intégrité physique tailladée, son essence foulée au pied et même son corps sans vie, tué. De l’autre côté, l’acteur de la violence, qui pour y arriver, a semé un discours mensonger, s’est accaparé d’un système politique barbare et déshumanisant, et a lui-même accepté de perdre son humanité en se métamorphosant en une bête des plus cruelles.
Kourouma recourt ainsi à un récit à caractère indécidable pour représenter voire procéder à la configuration de ce monde de violence, un monde de chaos, un monde plus animal qu’humain. L’hétérogénéité des voix et instances narratives, de langues et cultures convoquées procède sans aucun doute, de ce désordre généralisé, de ce chaos apocalyptique. « Il s’en suit que le discours de la violence ne va pas sans affecter la forme de l’écriture. Ici sens et forme, contenu et contenant convergent en bien de points pour dire la violence, si bien [que] la seule observation de l’architecture du texte permet de retrouver, sans grande difficulté, tel dans un miroir, le discours thématique explicite » (Ehora, 2012).
Quelle que soit sa nature et les causes qu’elle sert, la violence connote l’idée de transgression, de rupture par rapport aux normes sociales légales. De même, l’écriture qui la sous-tend est subvertie, et rompt en visière avec les normes classiques. Le discours de la violence refuse en effet de céder au conformisme, il crée en revanche des stratégies et règles pour dire la violence.
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Ici la définition que nous donnons au mythe n’est pas exactement celle de Pierre Brunel ni celle de Gilbert Durand. Par mythe, nous entendons une idée, une doctrine, une théorie, un évènement (ici la colonisation et les indépendances africaines) capable d’expliquer une situation (la chute de l’homme). La notion du mythe nous inspire dans la mesure où les buts que poursuivent la colonisation et les indépendances africaines prêtent à confusion si l’on interroge d’une part les acteurs et d’autre part les sujets.
Dans la conception Girardienne, Le désir mimétique, est le désir d’imiter ce que l’Autre désire, de posséder ce que possède autrui, non que cette chose soit précieuse en soi, ou présente des valeurs rationnelles, mais le fait même qu’elle soit possédée par un autre la rend désirable. La théorie mimétique du désir postule en effet que tout désir est une imitation du désir de l’autre. Girard explique qu’une chose est désirée non pas de façon directe, mais par l’intermédiaire d’un modèle. Un bel exemple c’est l’attitude de Tchao qui refusa de retourner à sa nudité après avoir combattu aux côtés de la mère patrie, donc après avoir « su porter la chéchia rouge, se bander le ventre avec la flanelle rouge, enrouler autour de la jambe la bande molletière et chausser la godasse» ou encore après être « parvenu sans grand effort à manger à la cuiler, à fumer la Gauloise ». Sa décision de mettre la vareuse s’explique par le fait qu’il tenait à mettre ses médailles qui ne pouvaient tenir que sur la blouse. Cette raison est doublée d’une autre plus subtile : celle d’imiter.
Ahmadou, Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, Paris, Seuil, 1998 p. 12.
Il est considéré comme l’un des sept sages de la Grèce antique. Ses méthodes d’analyse ont régenté le raisonnement scientifique. Il a su s’écarter des discours explicatifs délivrés par la mythologie pour privilégier une approche beaucoup plus réelle caractérisée par l’observation et la démonstration.
Ahmadou, Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages,Op.cit., p. 61.