Numero 1 - "Pour une république africaine des lettres..."Publications

La Littérature, la Crise et la Mémoire. Essai sur une écriture Impossible en contexte ivoirien-David K. N’goran, Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan-Côte d’Ivoire)

LA LITTERATURE, LA CRISE ET LA MEMOIRE.
Essai sur une écriture impossible en contexte ivoirien

David K. N’goran
Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan-Côte d’Ivoire)

Résumé : Cette proposition entend revisiter une des fonctions cardinales de la littérature, et par là même celle relative à la responsabilité de l’écrivain. En effet, il semble que dans un champ littéraire en situation de crise sociale aigüe (génocide, guerre civile, occupation), une des conséquences les plus déterminantes sur la société ne réside pas dans la seule intégrité des acteurs sociaux, ni même uniquement dans la survie de la société, mais aussi et surtout dans le dépérissement du principe de l’ « autonomie » des  champs sociaux dont le champ littéraire (Gisèle Sapiro, 1999). De la sorte, en convoquant cet acquis de la théorie du champ, il s’agira pour nous de situer sur le même axe paradigmatique « littérature », « crise » et « fonction mémorielle », dont les composantes ainsi combinées sont supposées permettre à la société des hommes d’actualiser son devoir de « juste mémoire » (Ricœur, 2000). Plus précisément, l’objet de ce propos sera d’interroger les frontières du littéraire et du politique, de l’esthétique et de l’engagement partisan, de l’écriture et du militantisme, du cœur de l’écrivain et du corps du roi, afin de mesurer en contexte de crise ivoirienne (2002-2015), jusqu’où  les gens de lettres ont pu expérimenter la violence environnante, soit sous la forme de contrainte extérieure, soit sous la forme d’un constituant de littérarité. Peut-être, cette littérature ivoirienne en temps de crise, à force de fonctionner sous le seul registre de la raison politique, a-t-elle fini par configurer la situation d’une littérature en crise.

  Mots clés : Champ littéraire, champ politique, violence, devoir de mémoire, responsabilité

Abstract : This proposal intends to revisit one of the vital functions of literature and by so doing to delve into the function linked to the responsibility of the writer. In fact, it seems that the literary field, in the context of an acute social crisis (genocide, civil war, occupation), one of the most deciding consequences on society is neither found in the single integrity of social actors nor even solely in the survival of the society but also mainly in the reduction of the principle of « autonomy «  of the social fields among which is the literary field. (Gisèle Sapiro, 1999) In such a way, by using this already established aspect of the theory of the literay field, we shall put on the the same paradigmatic axis literature, crisis, and « memorial function » whose components thus combined are believed to allow human society to update its duty of a « just memory » (Ricoeur, 2000) Specifically, the purpose of this study will consist in interrogating the boundaries of literature and politics, aesthetics and the partisan commitment, of scripture and militancy, of the heart of the writer and the body of the king, so as to assess in the context of the ivoirian crisis (2002 – 2015) how far writers have experimented the surrounding violence, either as a form of external constraint or a component of literarity. This ivorian literature in a time of crisis which has may be been functioning under the single domain of politcal reason  has ended taking the form of a literature of crisis.

Key words: literay fieldpolitical fieldviolenceduty of memoryresponsibility

INTRODUCTION

Il importe de postuler la « responsabilité » de l’écrivain africain en ayant en perspective deux acquis de la théorie sur cette question : celui de l’angle juridique tel qu’il autorise les pouvoirs publics à appliquer la force du droit aux écrivains par la censure, les procès, et les emprisonnements (Sapiro, 2011) et celui de l’angle moral par lequel l’histoire littéraire fait coïncider l’histoire de la littérature africaine et les expériences douloureuses de l’esclavage ou de la colonisation des siècles précédents, avec leurs effets traumatisants tels que la déportation, les massacres de masse, les dictatures, les génocides, etc.
Dès lors, au lieu de se demander, comme à l’accoutumée, comment les déterminants sociohistoriques mentionnés ci-haut  alimentent la responsabilité et/ou l’engagement des écrivains des pays dominés, avant d’être érigés en objets de littérarité, il convient plutôt, de se poser la question fondamentale des contraintes que l’environnement de « crise » (violence militaro-politique notamment) fait subir à l’espace littéraire, en tant que champ social autonome.  Plus précisément, en délimitant le cadre de l’analyse à ce qu’il est convenu d’appeler la crise ivoirienne (2002-2015)[1], il s’agira de chercher à savoir, par quel procédé, le champ littéraire ivoirien, à cette période, a pu exercer sa fonction symbolique en superposant sur l’axe de l’autonomie du champ, « littérature », « crise » et « fonction mémorielle ». Toute chose qui soulève en filigrane le problème fondamental de ce qu’il faut entendre par « littérature » en temps de crise, tant que cette désignation est perçue, tout à la fois, comme un objet autonome qui offre les conditions mêmes de sa propre définition, autant par ses fonctions sociales que par les présupposés de son identité formelle tenant de sa rhétorique, son esthétique, sa poétique et son éthique. Ainsi, en disant « littérature impossible », nous entendons ainsi désigner la façon dont la fiction littéraire dévie de ses fonctions instituées (fiction, imaginaire, opacité) pour se fourvoyer dans des postulats du réel, du concept, de la véracité et de l’absolu.
Le modèle méthodologique de la théorie du champ littéraire proposé par Gisèle Sapiro sous la forme d’une sociologie historique de la littérature en temps de crise (Sapiro, 1999) aidera à répondre aux questionnements suivants : Quel est l’état du champ littéraire ivoirien en termes d’autonomie et d’hétéronomie relativement au champ politique entre 2002 et 2015 ? Quel corps d’écrivains, quels genres du discours et quelle typologie de genres ont-ils peuplé le champ littéraire durant cette période ? Quelles sont les contraintes extérieures qui ont pu peser sur le travail de création littéraire au point d’emmener l’écrivain à désigner politiquement ce qui tient de la « chose littéraire » (Kouakou, 2005) et vice versa. Quel type de responsabilité et selon quel modèle d’exercice mémoriel l’écrivain a-t-il actualisé tant qu’il se situe lui-même comme actant dans la violence environnante ? L’impossibilité de l’écriture littéraire en temps de crise n’est-elle pas symptomatique du dépérissement de l’autonomie du champ littéraire sous la forme d’une littérature en crise ?
Faire face à  cet ensemble de questionnements autorise que trois hypothèses soient éprouvées. Ce sont : 1) Une brève sociologie historique de la « responsabilité  de l’écrivain» dans le champ littéraire africain ; 2) Une observation du champ littéraire (ivoirien) en temps de crise à l’aune de son autonomie; 3) une poétique de la douleur mettant en perspective la problématique mémorielle par la tension entre histoire, Histoire et éthique.

I- De « la responsabilité »  de l’écrivain dans le champ littéraire africain : une brève sociologie historique.

   Si l’on devrait tenter une archéologie de la notion de « responsabilité » de l’écrivain dans le champ littéraire africain, l’on convoquerait  trois temps forts de l’histoire africaine : la colonisation, la décolonisation  et l’après indépendance.  De la sorte, on pourrait considérer les états successifs de sociétés africaines ainsi mentionnées  comme correspondant à différents états des énoncés sur cette question, tels qu’ils présument eux-mêmes les différents degrés d’autonomisation du champ littéraire selon les constances et les variations  de  la « responsabilité » de l’écrivain africain. Autrement dit, cette réalité pourrait ainsi être considérée comme

Un espace des luttes pour l’imposition de la définition légitime de la responsabilité au sein du   monde social, luttes étroitement liées à la division du travail et à la différenciation des activités sociales. La définition légale de la responsabilité est, en effet, le fruit d’un rapport de force et d’un compromis entre les différentes conceptions morales qui s’affrontent dans une société à un moment donné de son histoire et forment l’espace des possibles et des pensables en la matière (…) l’évolution du rapport de force entre ces groupes dans différentes conjonctures sociopolitiques sous-tend la dynamique de la transformation de ce dispositif et, partant, de la conception dominante de la responsabilité (Sapiro, 2011 ; 12-13)

Dans le cas africain, l’absence de différenciation instituée des univers de production de discours légitimes en la matière[2] ne signifie pas, pour autant, l’absence d’une histoire de la définition de cette notion par des acteurs se réclamant de régimes sociaux ou discursifs importés comme la philosophie morale héritée du siècle des lumières européens, la déclaration universelle des droits de l’Homme proposée par la révolution française, puis la morale sociale des dominés édictée par la dictature du prolétariat et adoptée par une lecture marxisante du texte africain.

Ici, le discours social marchant comme un vaste écho de ce que la société se raconte à elle-même sous la forme de discours hégémonique précède sa formalisation institutionnelle, et partant, la définition littéraire de la notion de « responsabilité africaine ». Dès lors, cette dernière ne fait que faire coïncider « littérature », « critique » et « idéologie ».

D’abord, en période coloniale, précisément entre 1925 et 1935, réside la définition d’une littérature coloniale prescrivant la responsabilité de l’écrivain selon les impératifs de l’engagement pour la cause coloniale. L’écrivain indigène, issu d’un système scolaire chargé de reproduire l’esprit d’empire est ainsi soumis à un agenda moral et politique destiné, comme le définissait clairement Jean Guéhenno,  « à louer le génie français et à célébrer la gentillesse et l’honnêteté de la culture française », (Guéhénno, 1954 ; 139) sans doute, l’autre nom de la bonne moisson de  la mission civilisatrice.

Ensuite, en période de lutte résolument tournée vers la décolonisation des territoires africains colonisés, notamment entre  1956 et 1969, à l’occasion des deux Congrès des écrivains et artistes noirs à Paris (1956) et à Rome (1959), ainsi qu’aux festivals des arts nègres de Dakar (1966) et d’Alger (1969). Le manifeste de tous ces événements définit comme suit la fonction du texte : « apprécier les œuvres africaines selon  les impératifs de la lutte de  libération et de l’unité. Créer à cette fin en Afrique des institutions culturelles appropriées ; Encourager les créateurs africains dans leur mission de refléter les préoccupations du peuple… » [3]

Enfin, les indépendances africaines et leurs étapes suivantes (1960-1970) donneront le jour à une responsabilité répertoriée tout à la fois par le panafricanisme, le marxisme et le nationalisme, lesquels constituaient les horizons d’attente, c’est-à-dire, la recevabilité du texte engagé relativement à la notion (Kesteloot, 2001 ; 244-246). C’est sans doute fort de ces présupposés que survinrent les querelles  entre Césaire et Depestre, Mongo béti et Camara Laye, David Diop et Mongo Beti[4]. Ainsi, que ce soit en opposant la forme de la poésie classique (sonnet, alexandrin) au rythme africain (« battre le bon tam-tam ») comme dans le premier cas, ou  en  suspectant des contenus pas suffisamment engagés contre la domination coloniale pour les deux derniers cas, on remarque que le mobile de la responsabilité de l’écrivain tient ici  avant tout d’une morale collective, mêlant droit naturel, philosophie morale et idéologie révolutionnaire, avec les agents du discours situés au delà du seul espace littéraire stricto sensu.

On note également une autonomisation problématique du champ littéraire, à propos de la définition de la responsabilité affectée à l’écrivain africain, et dont le tournant décisif intervînt entre 1968-1980, avec un écrivain comme Yambo Ouologuem dont nous disions ailleurs qu’il occupe la posture du « nomothète » (N’goran, 2007). En effet, la publication de Le devoir de violence (1968) , son premier roman, laisse trainer au sein de l’opinion africaine un séisme de scandale du fait du caractère jugé « amoral » de la responsabilité de l’écrivain promue par Yambo Ouologuem. Ce texte de l’écrivain malien est symptomatique de la notion de « responsabilité » parce qu’il convoque presque tous les paradigmes de la  « faute morale » en tant que foyer et fondement de la « sanction juridique » à savoir « le crime, le mauvais livre, la trahison, la littérature putride, la haine, etc. » (Sapiro, 2001 ; Op.Cit). Plus précisément, l’histoire de Saïf Ben Isaac el Heït, principal héros du livre, et dernier des représentants d’une dynastie de seigneurs africains corrompus, anti-héros aux visages hideux situés à l’antipode des personnages hauts en couleurs construits par les idéologues du panafricanisme et de la négritude, valut à Yambo Ouologuem la sévère condamnation pour « agression contre l’Afrique-mère, dénigrement de ses ancêtres et des ses institutions, mensonges et malveillance contre ses princes et ses prêtres, insulte à la dignité de l’homme noir » (Kesteloot, Op. Cit). Or, la vérité de l’œuvre de Yambo Ouologuem n’est rien d’autre qu’une revendication de l’autonomie de l’écrivain face au moralisme collectif, voire communautariste ayant trouvé jusque là un point d’honneur à imposer à l’écrivain une vérité doxique, c’est-à-dire, sa conception de la morale. Par ce « nomos », en tant qu’acte fondateur, plusieurs conceptions concurrentes de la morale font distinguer, désormais,  celle de l’écrivain, dont la figure prophétique n’est plus tout à fait celle de l’intellectuel classique, ni celle de l’idéologue panafricaniste ou marxiste, de la morale du magistrat du parquet ou même de celle du dignitaire religieux. C’est sans doute cette généalogie de la morale littéraire en contexte africain qui permet de mesurer localement, à partir des manifestations de la violence et de la guerre, les responsabilités en confrontation dans le cas de la crise ivoirienne.

II- A l’autonomie du champ littéraire (ivoirien) en temps de crise. Quelques observations…

   Poser le postulat de l’autonomie d’un champ littéraire national en temps de crise nécessite d’élucider au préalable le concept de « crise » qui en constitue son référent. Celui-ci semble être un indice de vision du monde partagé entre deux imaginaires sociaux de la modernité et de la postmodernité. Dans le premier cas, la crise fait présumer l’envers d’une conception du monde selon les croyances absolues dans les mythologies du centre, de la totalité, de l’ordre, de la raison et de la mesure. Ainsi, l’intrusion de l’hétérogène dans le champ social, la rupture dans un processus stable d’évolution, la turbulence de l’imprévisible ou du chaos, c’est-à-dire, l’ « éclatement de l’équilibre homéostatique des systèmes clos » (Gontard, 2013 ; 42-43) font-ils parler de « crise ». Dans le second cas, la crise tient d’une méthodologie de  représentation de la réalité sociale plus que la réalité elle-même. Dès lors, elle n’est pas la seule angoisse de la rareté ou de la privation selon le modèle économique, encore moins celle du manque de maîtrise du crépuscule ou du déclin. Elle aussi et surtout une représentation du monde par la liminalité suivant un imaginaire de la fin, puis de  l’ « après ».

Elle peut, dès lors, porter sur ce que Baudrillard a nommé  dans un autre cadre « l’orgie ». C’est, par exemple, cette fête collective qui relate « la libération dans tous les domaines. Libération politique, libération sexuelle, libération des forces productives, libération des forces destructives, libération de la femme, de l’enfant, des pulsions inconscientes, libération de l’art  (Baudrillard, 1990 ; 11). L’orgie est ainsi apogée d’une dynamique historiciste sur le mode du carnaval. On ne s’étonnera donc pas que de l’autre côté du rideau de l’histoire, l’adaptabilité, la flexibilité, les flux de changements, la mobilité, et l’aléatoire soient des modalités de compréhension du corpus de crise et dont la violence et la guerre  ne sont (parmi tant d’autres) que des manifestations phénoménologiques.

Dans le cas de ce qui est nommé la « crise ivoirienne », le temps long de l’histoire en tant que fleuve tranquille est mis à mal par une dérive inédite de ses cordonnées géo-spatiales. Les sujets nourris aux valeurs ancrées de la raison universelle (paix, progrès, croissance, citoyenneté, nationalisme, les identités de Soi et de l’Autre, etc.) subissent la déroute quand surgissent les micro-récits de la mondialisation que J. Attali a désignés ailleurs « hyper-empire et hyper-conflit » (Attali, 2006). A cette occasion,  le retour de l’irrationnel dérivé des forces du marché, le dépérissement de l’Etat-nation selon le modèle colonial, la faillite de l’expérience démocratique rendue par la métaphore des « soleils des indépendances »[5], ainsi que les formes inédites d’art plastique, de peinture ou de  littérature[6] incarnent les institutions canoniques de l’ainsi désignée société postcoloniale, un rejeton de la postmodernité.

On peut déduire de tout ce qui précède que la crise sociale échappe à toute théorisation ou systématisation, a fortiori la  littérature de/en crise. D’où cette tentative de repérage, par induction, d’un ensemble de dispositifs textuels dévoilant quelques indices forts d’un champ littéraire national en situation de crise et dont un  des principes de littérarité devrait porter sur ses écritures, à savoir une esthétique, une éthique, et une heuristique présumant de l’autonomie du champ, à rebours de ce que Blanchot, Todorov et bien d’autres, ont posé ailleurs  comme « esthétique impossible »[7] à force de reposer sur le désastre.

De toute évidence, l’économie de l’espace ne nous permettra pas d’aborder tout le vaste corpus de crise entre 2002 et 2015 tel qu’il part, suivant un ordre de prépondérance quantitative, de l’essai à la poésie, le roman, et le théâtre.

Qu’il nous suffise de choisir trois textes tenant des genres respectifs (théâtre, essai, roman), selon des auteurs ivoiriens dont les discours (soit par engagement politique, soit par responsabilité morale, ou même par positionnement dans le champ littéraire), peuvent être jugés représentatifs d’un imaginaire de la crise ivoirienne. Ce sont Jérôme Diégou Bailly (Monoko-Zohi, théâtre, 2004), Tiburce Koffi (L’agonie du jardin,  essai, 2006) et Venance Konan (Le rebelle et le camarade président, roman, 2012).

Jérôme Diégou Bailly fut un journaliste émérite, un des initiateurs de la professionnalisation[8] de la presse ivoirienne et dont le passage dans le champ littéraire peut se lire comme une fortune si l’on s’en tient au nombre de ses publications[9]. Militant politique des premières heures du multipartisme aux côtés de ce qui fit office de la gauche ivoirienne, notamment du Front populaire ivoirien (FPI), il  fut également un observateur attentif de la société ivoirienne dans ses mutations successives, telles qu’elles prennent en charge la problématique de la crise. Tel est le cas de Mono-kozohi, texte dramaturgique inspiré du drame de Monokozohi, petit village situé dans la localité de Vavoua dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire et tristement connu pour avoir été le théâtre d’un massacre de grande envergure perpétré par des combattants armés contre au moins 120 civiles en décembre 2002. L’écrivain tente, tant que possible de s’éloigner des affres de la réalité historique, puisque dans l’avertissement l’on note que « cette pièce est une œuvre de fiction. Toute ressemblance des événements ou des personnages avec des faits réels ou des personnages existant ou ayant existé n’est que pure coïncidence, du seul fait du hasard »[10]. Le défi littéraire de représenter la guerre (une tragédie) par la tragédie est en soi un mérite non négligeable. Pour autant, le texte reprend fidèlement les présupposés discursifs de la crise, à savoir, une vieille ethnologie du peuplement du territoire ivoirien, c’est-à-dire, une odyssée de l’occupation des terres, animée par le mythe de la sédentarisation, donc rythmée par le discours sur la primauté ou sur la légitimité de la possession, en tant qu’éléments significatifs d’identité et/ou de citoyenneté (autochtones Vs allochtones). En effet, le paradigme dominant des tableaux de cette pièce théâtrale porte sur l’histoire de cette contrée-carrefour, terre d’accueil des « frères venus d’ailleurs » (p. 21), mais menacée par « les ogres les plus voraces de notre planète. Ils ont organisé et armé nos frères du Nord, du Centre et de l’Ouest pour piller nos richesses (…) nous bâillonner et nous exploiter » (p. 43-44) depuis l’intrusion dans le village d’un étrange vieillard venu envier « le trône et le sceptre » (p. 22). L’autre pôle du discours stéréotypé est assuré par des personnages comme Ouédraogo, victimes des poncifs identitaires bien connus de la crise ivoirienne, à savoir : « la xénophobie » à force de vivre dans « un climat d’exclusion, d’insécurité morale et physique » (p. 23). Finalement, la manière dont l’auteur essaye de transcender ces clivages ou de concilier ces contradictions semble peu efficace tant que sa méthode, portée par la voix des personnages échoit auprès des lieux communs discursifs énoncés plus haut et idéologiques comme « résistance, dignité, souveraineté, etc. ».

Tiburce Koffi non plus n’est pas un inconnu dans l’écriture de la crise ivoirienne. On peut même dire qu’il en est un acteur représentatif aussi bien par ses prises positions intellectuelles que par son statut reconnu et consacré dans le champ littéraire, ainsi que par sa proximité très mouvante avec  plusieurs tendances politiques selon les contextes. Pour tout dire, cet auteur est bien un écrivain de crise et/ou en crise tant ses crises imprévues sont de notoriété publique. L’agonie du jardin (2006) est un essai qui fait cohabiter le récit, la versification et la prose, le slogan  et la maxime philosophique, l’énonciation journalistique et la déclamation lyrique, avec une forte tonalité de passion  patriotique bien stylisée, de bonhomie et d’humeur  orageuse. Quoi qu’il en soit, on ne peut s’empêcher de lire l’image de « l’agonie du jardin » suivant un régime discursif qui fait l’équilibre entre le mythe (le jardin d’Eden, les jardins suspendus), la rationalité intellectuelle (sa critique des maîtres Zadi et Kotchy, (p. 148 et 152) et la tentation dualiste qui lui sert de stratégie discursive. Dans son traitement du « jardin » et son « agonie », il entame une autoanalyse  en proclamant : « j’appartiens à la génération de la classe politique qui est au pouvoir ; j’ai même le privilège de compter  au nombre des membres du cabinet présidentiel où j’exerce en tant que conseiller…je participe donc d’une manière ou d’une autre, de ce pouvoir et à ce pouvoir. C’est pourquoi, je me sens  concerné par ses défis, ses  réussites, ses échecs et les contrariétés qui obstruent son action » (p. 19). Puis, quand il  scrute les causes étiologiques de « l’agonie du jardin », à travers son traitement des problématiques de l’école ivoirienne, du militantisme syndical ou politique, de l’ivoirité, de la jeunesse, de la presse, il semble dire à propos des acteurs politiques: « tous sont coupables et tous sont innocents ». Mais parce qu’il confesse sa part de responsabilité, il réussit à s’extirper du rang des « coupables ». Finalement au dessus de tout soupçon, il a la légitimité de rêver le  jardin perdu, le grand rêve gâché et de décrier le désastre. Ce jardin dévasté est visiblement une objectivation de l’idéologie houphouétiste. Une idéologie (comme celle de la refondation) et toutes les idéologies, dont on est en droit de se méfier. Ce texte emprunte ainsi le chemin de tous les essais prétendant prendre, objectivement, en compte la crise ivoirienne. Autrement dit, le registre dominant du discours sur la crise en cet espace reste à ce jour celui du pamphlet, de l’affect de l’accusation et du pathos de la victimisation. On se demande ainsi pourquoi le registre mythique du jardin n’a pu être pris en charge par le récit romanesque au détriment du traité politique.

Venance Konan n’est pas moins un auteur connu et controversé de l’histoire ivoirienne par ses crises. Il est un homme à plusieurs casquettes : journaliste, spécialiste de grands reportages ; acteur politique[11], au moins, depuis le parti unique jusqu’à la récente guerre postélectorale, en passant par le débat sur « l’ivoirité » ; enfin Grand prix littéraire d’Afrique noire, c’est-à-dire, écrivain reconnu par l’institution littéraire. Venance Konan est donc un journaliste et un militant politique dans le champ littéraire, avec ce que ce dédoublement de l’identité comporte comme bouleversement de la pratique de la littérature. Le rebelle et le camarade président (2012) est envahi par cette logique autre que celle du littéraire stricto sensu. D’abord, par l’ « habitus » journalistique, avec son aptitude à tirer sur des traits du réel pour en sortir des portraits tissés dans l’art de la caricature, un des lieux privilégiés du journalisme. Ensuite, par la compétence politique liée au traitement des thèmes politiques dont  l’auteur ne perd aucunement les enjeux. Dès lors, on note plusieurs éléments investis  à priori d’une fonction de « réalème », servant à  brouiller les indices de la réalité par un déplacement des jeux de rôles affectés aux personnages, ainsi que par une réinvention des événements, de façon à ce que la fiction supplante la politique partisane. Pourtant, il n’échappe pas au lecteur combien l’invention de l’histoire littéraire est grossièrement très proche de l’histoire réelle : d’où les jeux de correspondance suivants :

« Le Christ de Vava » : « le Christ de Mama » (de la façon dont la presse de l’opposition d’alors nommait l’ancien président Laurent Gbagbo), lui-même comportant des traits du « camarade président » /« Le général Noêl » : « Papa Noêl » (sobriquet affectif du général Robert Guei à son heure de gloire après le coup d’Etat de 1999)/« Le vieil homme aux éternels costume trois pièces » : « Félix-Houphouët-Boigny »/« Le sergent-Chef Issé » : « le sergent chef IB »/« Le leader charismatique du nord » : « Alassane Ouattara »/« Guy Néléné Ferki, enlevé sur le parking d’un supermarché par les hommes en armes » : « Guy André Kieffer » /« l’étudiant Dodo qui fut pendu par ses camarades : « Habib Dodo, étudiant syndicaliste d’obédience communiste assassiné par la Fesci » /« Le Chef d’Etat major : le général Béou » : « Le général Doué »/« Les dons’o venus du nord» : « les dozos venus du nord»/« Gaoual, la capitale du Fakinasso » : « Ouaga, la capitale Burkina Faso »/« Déblégou, le leader que l’on avait accusé d’avoir triché pour avoir sa licence d’anglais » : « l’anagramme de  Blé Goudé, le leader des Jeunes Patriotes »/« MPLA : mouvement patriotique pour la libération de l’Afrique » : « MPCI : mouvement patriotique de Côte d’Ivoire »/« La compagnie des tigres noirs » : « la compagnie Guépard  de Shérif Ousmane »»/« Oros, le petit gros portant la barbichette » : « Guillaume Soro par son anagramme»/« Tawako, le rebelle qui tenait dans son parc-auto les voitures les plus chères au monde » : « Issiaka Watao, chef rebelle doublé d’homme d’affaire» [C’es nous qui soulignons].

De même, le camarade président, « ancien professeur de géographie » accède au pouvoir dans des conditions identiques à celles de l’avènement Gbagbo, même si sa femme « Gargamel est une infirmière » (p. 22). Dans la description du chaos généralisé, l’espace est clivé entre les « rebelles du nord » et les « royalistes du sud ». Enfin, par l’humour et la caricature, on note chez Venance Konan une politique du texte littéraire qui l’amène à fictionnaliser des points de vue posés a priori comme « politiciens » afin de disqualifier ses personnages. On voit ainsi le Christ de Vava et les autres protagonistes décrits à partir de traits grossiers et grossis un peu sur le modèle du caricaturiste ou de la bande dessinée. Il semble, selon ce portrait, que le Christ de Vava est « d’une forte corpulence, transpirant beaucoup, avec une serviette au cou pour s’éponger » (p. 22). Cette dimension presque pantagruélique appelant d’autres conséquences, on découvre que « le Camarade président avait un appétit sexuel insatiable ; copulant en tout lieux, notamment entre deux audiences, deux inaugurations, dans un couloir, dans sa voiture ou débout dans son bureau en tournant ses fesses pleines de poils vers la photo du vieil homme aux éternels costumes trois pièces » (pp.89, 90 et 280). Il aimait beaucoup rire, s’arrêtant souvent dans la rue pour uriner contre un arbre ou un mur  ou pour acheter de la banane braisée ou de l’arachide grillée (p. 66). Sa femme Gargamel dont le charme était rare avait l’allure d’une vendeuse de banane (p. 65). L’humour et la caricature semblent bien reparties, puisque de l’autre côté du rideau de fer, « les rebelles du nord », analphabètes pour la plupart, rivalisaient en obscurantisme (Lasso avait toujours un fétiche planté dans son anus supposé le rendre invulnérable aux balles, p.17). Les rebelles puaient comme des boucs (p. 13),  et s’affublaient de sobriquets les plus saugrenus : « grand lutteur », « sorcier vert », « guépard rouge », etc. (p.180).

Comme on le voit, les textes soumis à l’analyse sont, sans aucun doute, porteurs du génie des écrivains convoqués.  Cependant, parce que leur référent porte sur une crise sociale aigüe, de nature militaro-politique, impliquant un clivage radical de l’espace social en camps idéologiques opposés par une distance de contradiction inconciliable, et dont les écrivains eux-aussi, êtres de chair et de sang, avec leur part d’émotion, de blessure et de traumatisme liée à la mythologie du mal et du bien, sont partie prenante, la littérarité des textes, en termes d’autonomie esthétique, leur éthique en termes de valeurs réflexives avec d’autres valeurs sociales, ainsi que leur heuristique en tant qu’axiologie du « juste », donnent à lire, en fin de compte, des textes de fiction transcendant difficilement la frontière entre réel et fiction, auteur et écrivain, individu et collectivité, idéologie et création, etc. Dans ces conditions d’une autonomie ainsi problématique du champ littéraire, notamment de sa fonction de « représentation », on peut se demander quel type de responsabilité historique (devoir de mémoire, commémoration, pardon, réconciliation) engage l’écrivain.

III- Mémoires en perspectives : poétique de la douleur, histoire et Histoire.

Pour qu’il tienne ses promesses, cet aspect de l’analyse convoquera abondamment l’épistémologie de l’histoire, doublée d’une phénoménologie de la mémoire, avec ses modalités de l’oubli ou du pardon dont la force de suggestion et la puissance théorique n’ont nul autre pareil que l’héritage de Paul Ricœur (Ricœur, 2000). Dans le cadre limité de l’histoire ivoirienne, précisément de l’histoire littéraire, on dirait que la responsabilité historique auxquels les écrivains du temps de crise sont astreints ne peut être efficacement assumée que sous la forme d’un devoir de mémoire et/ou d’une responsabilité articulée  selon les paradigmes des us et abus de la mémoire, à savoir « la mémoire empêchée », « la mémoire manipulée », « la mémoire commandée » et « la juste mémoire ». La situation postcoloniale du référent fait cohabiter après bricolage, par morceaux brisés toutes ces figures mémorielles en un tout hybride comme identité sui généris de tout corpus proclamant sa postcolonialité. Cependant, ici, on ne constatera que la présence et la pertinence de deux types de mémoire que sont « la mémoire empêchée » et « la mémoire manipulée » ; les deux ayant « la juste mémoire » comme horizon programmatique.

« La mémoire empêchée », selon Ricœur, est une mémoire malade au sens où sa prise en charge relève de la psychanalyse. Ainsi, quand il est ressassé, voire « saturé» selon le mot de Régine Robine, ce type de mémoire remplit difficilement sa fonction naturelle et empêche tout travail historique. De ce fait, on note que la plupart des textes littéraires de/sur la crise ivoirienne, et ceux du corpus convoqué spécialement, engendrent un environnement clinique à propos d’un objet perdu de l’amour et/ou de la haine et dont les ramifications peuvent être pathologiques au sens freudien. Autrement dit, le souvenir et son versant oublieux sont saturés, donc rendus impossibles tout autant par la seule répétition du passé que par l’obsession d’un désir pulsionnel d’où « se composent le tableau clinique des névroses dites  de transfert, les figures substituées du symptôme et les mesures de dépréciation de soi, de la mélancolie, le trop du retour du refoulé et le creux du sentiment de soi perdu » (Ricœur, Op.Cit ; 578). Tel est l’environnement psychopathologique rendu par les textes poétiques principalement. A l’exemple de Mon pays ce soir de Josué Guebo[12] dont la tonalité damasienne ne fait que traduire cette mélancolie de la chose perdue, donc de la fin des temps qui ferme la porte à l’histoire-souvenir ou de la mémoire-oublieuse.

Quant à la « mémoire manipulée », elle est l’affaire de l’idéologie, en tant que forme de légitimation fondée  sur un événement originel, des documents fondateurs et des mémoires communes. Toujours selon Ricœur, ce type de mémoire est le socle narratif sur lequel l’identité d’un pays, d’un peuple, d’un groupe communautaire ou d’une nation se construit. A travers notre corpus, on voit qu’il y  a un travail sélectif doublée d’une stratégie de l’oubli ou de la remémoration, tendant à cliver les écrivains en  blocs idéologiques différents avec des récits de groupes bien déterminés. En effet, ici, la direction de l’intrigue de l’histoire ou de la mise en récit ne fait sens que selon le sens de l’idéologie. Il ya donc comme une dépossession de la littérature quant à sa capacité autonome à élaborer sa propre mémoire. Pour Paul Ricœur, cette dépossession engendre une situation d’oubli en tant que « comportement sémi-passif et sémi-actif » (Ricœur, Op.Cit. ; 580). Dans les deux cas, il ya soit un trop peu de mémoire, soit une hantise du passé en tant que volonté manifeste d’un « vouloir-ne-pas-savoir » (Ricœur, Ibid) assimilable à une stratégie de fuite ou d’évitement, de négligence ou d’omission, dont l’objectif inavoué est de proposer un récit partial et parcellaire, c’est-à-dire, qui ne peut être intéressant que pour soi. C’est dans les essais et les romans que nous voyons à l’œuvre cette responsabilité de l’aveuglement qui oblige les écrivains à rééditer la configuration de la mémoire politique, celle qui consiste pour les protagonistes à rejeter dans le camp adverse la part sombre, voir hideuse de l’histoire. Ici, personne n’est responsable de rien et tous sont responsables de tout.

Il va sans dire que ces présupposés ne peuvent autoriser ni « mémoire commandée »,  incarnant l’histoire officielle, ni « juste mémoire » en tant qu’alternative idéal située entre l’excès de mémoire et le trop peu de mémoire. Parce que sa valeur supposée est celle du « juste », une telle mémoire devrait s’entendre comme passage de la mémoire individuelle à la mémoire collective, comme le lien entre Soi et l’Autre, nécessaire constituant selon Maurice Halbwachs du « souvenir commun ». La force de la fiction  littéraire en cette matière se situerait alors ailleurs que dans les proclamations véritatives et totalitaires concurrentes.

La représentation littéraire et ses enjeux mémoriels et/ou historiques par le principe de l’invention et non du réel, de l’imaginaire et non du concept, de la fiction et non du postulat de vérité, incarnerait ainsi un modèle parfaitement recevable de la responsabilité mémorielle : celle de l’inachèvement.

CONCLUSION

On a pu voir que la problématique d’une autonomie du champ littéraire (ivoirien) en temps de crise appelle un exercice comparatiste mettant en apposition une sociologie historique de la notion de « responsabilité et/ou d’engagement de l’écrivain», une analyse textuelle du fait de témoignage par l’écriture ou la fiction littéraire en tant que nécessité mémorielle, et une analyse socio-discursive de la position institutionnelle des écrivains, en tant qu’acteurs de crise. Cette problématique, quoique éclatée d’une façon aussi hybride, a le mérite d’avoir pu postuler la question du devoir de « représentation littéraire » dans un régime social de l’indicible ou de l’inimaginable. Dès lors, à partir du cas ivoirien d’un champ littéraire en situation de crise militaro-politique (2002-2015), un corps d’écrivains consacré par l’institution littéraire a pu désigner politiquement ce qui devrait relever du littéraire, a pu produire un discours emprunté abondamment aux régimes discursifs prétendant plus au réel qu’à la fiction, à la vérité qu’à l’opacité, à la totalité qu’à la relativité, etc. De la sorte, le génie littéraire, autrefois reconnu comme tel, n’a fait que subir une contrainte extérieure au champ littéraire avec ce que ceci entraine comme dépérissement de la littérarité, de l’esthétique, de l’éthique et d’une heuristique, c’est-à-dire, d’une poétique propre. Enfin, dans ce que la littérature se propose de construire comme mémoire autonome, il  ya cette tension permanente entre histoire racontée, Histoire vécue et éthique de la narration, elle-même prise au piège de la douleur, laquelle finit d’attester de l’impossibilité de faire la « poésie », une désignation métonymique de la littérature après le désastre.

Bibliographie

Corpus

Diégou Bailly (2004, 2011) Monoko Zohi, Abidjan, PUCI.

Tiburce Koffi (2006), l’Agonie du jardin, du grand rêve au  désastre, Abidjan, CEDA-NEI.

Venance Konan (2012), Le rebelle et le camarade président, Paris, Picollec.

Autres textes de fiction  consultés

Afankoe Lord (2012), Reflets dans l’œil du cyclone, Paris, L’harmattan.

Bailly Diegou (20047), La traversée du guerrier, Abidjan, CEDA, 2004.

Guebo Josué (2011), Mon pays ce soir, Dakar, Panafrika.

 Cédric Marshall Kissy (2016), La mer rouge, Abidjan, les éditions Eden.

 Langui Roger (2012), Manka Talèbo ou chant rituel pour l’Afrique, Paris, Publibook.

Ouvrages théoriques consultés

Sapiro Gisèle (2011), La responsabilité de l’écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe et XXIe siècle), Paris, Seuil.

Sapiro Gisèle (1999), La guerre des écrivains (1940-1953), Paris, Fayard.

Guéhenno Jean (1954), La France et les noirs, Paris, Gallimard.

Kesteloot  Lylian (2001), Histoire de la littérature négro-africaine, Paris, Karthala.

Gontard, Marc (2013), Ecrire la crise. L’esthétique postmoderne. Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Baudrillard Jean (1990), La transparence du mal. Essai sur les phénomènes extrêmes, Paris, Galilée.

Attali Jacques (2006), Une brève histoire de l’avenir, Paris, Fayard.

Konaté, Yacouba (2015), Esprit Vohou, entre dans ce corps, Abidjan, NEB.

Blanchot, Maurice (1980), l’Ecriture du désastre, Paris, Gallimard.

Régine Robine (1986), Le réalisme socialiste, une  esthétique impossible.

Heinich Nathalie (2000), Être écrivain. Création et identité, Paris, La découverte.

Ricœur, Paul (2000), La mémoire, l’histoire et l’oubli, Paris, Seuil.

Hannah Arendt, (1972, 2002), Le système totalitaire. Les origines du totalitarisme, Paris, Seuil.

Emmanuel Levinas (1994), Les imprévus de l’histoire, Montpellier, Fata Morgana.


[1] Ces bornes chronologiques devraient se justifier, du point de vue de l’histoire nationale, par l’éclatement de la rébellion armée du nord d’un côté, et les élections présidentielles de fin de crise d’un autre côté.
[2]Comparativement à l’histoire de cette notion dans le champ littéraire français fortement institutionnalisé, distinguant nettement sa part morale, philosophique, religieuse, juridique et littéraire avec les agents identifiés et bien déterminés selon la logique des champs sociaux respectifs, il n y a, a contrario, dans le cas africain,  qu’ un vaste effet de discours précédant l’institutionnalisation, sous la forme de doxa ou de discours hégémonique.
[3]« Manifeste culturel panafricains » in  Présence Africaine n°71, 1979.
[4] Depestre à la suite de Louis Aragon avait prôné le retour aux formes de la poésie classique (alexandrin, sonnet), quand Césaire, en réponse, écrivit un poème en vers libre pour l’inviter à cultiver l’inspiration nègre, c’est-à-dire à « battre le bon tam-tam ». A son tour, Mongo Beti s’en prit à Camara laye qui  dans l’enfant noir évoque son enfance alors que la Guinée était au plus fort de l’exploitation coloniale. Mongo Beti dû subir également les reproches de David Diop pour le ton pas assez engagé de mission terminée.
[5] En référence au classique de Kourouma, mais aussi au mythe de la bâtardise suggérant ainsi la crise de la réalité sociale, partant, celle de sa représentation.
[6] Voir par exemple, Konaté, Yacouba, Esprit Vohou, entre dans ce corps, Abidjan, NEB, 2015.
[7] Voir Blanchot, Maurice, l’Ecriture du désastre, Paris, Gallimard, 1980 ; et dans le cadre des systèmes totalitaires, ce que dit Régine Robine du réalisme socialiste, en tant qu’ « esthétique impossible », (Le réalisme socialiste, une esthétique impossible, Paris, Payot, 1986), et qu’on retrouve avec le projet « Festafrica ou écrire par devoir de mémoire » consacré au génocide rwandais.
[8] Diplômé de l’Ecole de Journalisme de Lille, Journaliste à Ivoire dimanche, magazine culturel du temps du parti unique depuis 1979, Fondateur, avec plusieurs de ses pairs de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire, et Directeur de publication du quotidien indépendant le Jour, il fut nommé par Laurent Gbagbo président du Conseil national de la communication audio visuelle (CNCA)  jusqu’à sa disparition en 2009.
[9] Il est notamment l’auteur de Secret d’Etat (roman 1988), La fille du silence (roman, 1998), La traversée du guerrier (roman, prix Bernard Dadié, 2004), Heremankono (théâtre, 2010) Monoko Zohi (théâtre, 2011).
[10] Mono-kozohi, p. 3.
[11] Dans l’analyse du discours politique en général, que ce soit, d’un point de vue politologique ou sociologique, un acteur est dit « politique » lorsqu’il détient la compétence qui l’autorise à traiter, soit par positionnement partisan, soit par le registre de la critique, des thématiques  relevant globalement de la gestion des affaires de la cité. Ici, venance est « politique » d’une part, parce qu’il au répond de ce statut de professionnalisation ou de spécialisation au sens weberien de « vivre de/pour la politique». Il est militant politique ayant occupé plusieurs fonctions proches de la logique partisane : Chef du service communication à l’Assemblée nationale, actuellement Directeur général du quotidien progouvernemental Fraternité matin.
[12] Que leurs tonalités soient de l’élégie, de l’épopée, ou l’ode, etc. les textes poétiques obéissent à cette logique de saturation,  par désir (passion) de l’objet perdu,  dont la conséquence est celle la mélancolie que prête le récit de l’apocalypse voir  (Mon pays ce soir (Josué Guebo), Manka Talèbo (Roger Langui), La mer rouge (Cedric Marshall Kissy), Reflets dans l’œil du cyclone (Lord Afankoe), etc.

 

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