LE CONTE AFRICAIN, UNE ALTERNATIVE DE REMÉDIATION AU CHAOS DU MONDE
KONAN Yao Lambert
Maître de Conférences
Université Alassane OUATTARA
Résumé : Le conte africain est au service de la société ; il contribue à sa survie. Moyen de défense du groupe social, ce genre a un rôle de stabilisation. En cela, il constitue, de par sa fonction cathartique et thérapeutique, le remède adéquat contre les travers humains. Utilisant le comique sous ses différentes formes, le conte donne des enseignements propres à faciliter les rapports au sein de la communauté. Ainsi, par le truchement du rire, les déviations d’ordre caractériel sont corrigées au profit du vivre ensemble dans une sorte de mutualisme.
Mots clés : comique, conte africain, remède, société, vivre ensemble.
Abstract: African tale is at the mercy of the society; it therefore contributes to its survival. Means of social group protection, this style has a role of pegging. For that, it constitutes, from his cathartic and therapeutic function, the appropriate cure against mankind shortcomings. Using comic under its various ways, tale gives teachings appropriate to make the relationships easier within the community. Through laugh, the moody swerves are therefore corrected for the benefit of living together in a kind of symbiosis.
Keywords: comic, African tale, cure, society, live together.
INTRODUCTION
La société moderne verse de plus en plus dans des dérives déshumanisantes[1], avec pour corollaire l’insécurité galopante. Tout se corrompt et s’avilit. Le matériel prend de l’ascendant sur le moral, comme le témoigne Hervé Kempf : « Les individus sont censés n’être motivés que par la recherche du profit et consentent à laisser régler par le mécanisme de marche, toutes les activités qui les mettent en relation. »[2] Or, comme l’indique Barthélemy Kotchy, « ce qui fonde la valeur de l’œuvre humaine, c’est son rapport aux autres. »[3] Les phénomènes du Free Hugs [4] sont des indices symptomatiques de cette déshumanisation. Des valeurs comme la paix et l’amour s’effritent progressivement.
La délitescence de l’humanité est alarmante ; une urgence, désormais, se pose et s’impose, si l’on veut pérenniser l’espèce humaine, et, partant, toute la création. Ce constat désolant est la résultante de la perte identitaire de l’Homme. Face à la dégringolade des valeurs sociales, le recours au conte, notamment celui de l’espace africain[5] s’érige en bouée de sauvetage, en raison de la relation osmotique entre l’identité et ce genre. En exposant sous la forme ludique la question liée à l’existence humaine, celle de sa vie sociale, il permet ainsi, selon les cas et les circonstances, de décrire les travers de l’Homme, de dénoncer une situation d’injustice, d’ouvrir un débat social qui prend en compte tous les aspects de la vie quotidienne. La satire qu’il déploie habilement dans les fissures de sa narration et les leçons de moralité véhiculées dans son épilogue, constituent des remèdes puissants aux dérives comportementales des humains.
Les raisons susmentionnées fondent et justifient la présente étude. Il s’agit de montrer l’importance sociale et cathartique du conte africain. Pour relever cette dimension utilitaire, la trajectoire analytique s’intéressera d’abord, au personnage asocial, agent pathologique responsable de l’état social, pour ensuite l’ausculter en vue d’un diagnostic. Enfin, à partir de ce dysfonctionnement, des solutions seront proposées pour la reconstruction du tissu social effiloché.
I-LE PERSONNAGE ASOCIAL : UN VECTEUR DE DÉFAUTS
L’Homme se laisse découvrir dans ses rapports avec ses semblables et avec les autres éléments de son univers. L’existence d’une véritable solidarité, impliquant une harmonie et une cohésion s’observe au niveau des comportements des individus, des personnages. À regarder la société de plus près, l’on découvre que la famille, le village, le clan, la tribu qui sont souvent présentés comme des espaces clos s’exercent de vives tensions. Ainsi les rapports entre les personnages apparaissent-ils à plusieurs reprises sous-tendus par des rivalités, des oppositions pouvant conduire à la haine et à la révolte. L’origine de cette animosité provient des actes de certains personnages dans l’univers des récits.
Toute une galerie de personnages asociaux peuple les segments narratifs des contes. Ils surgissent au détour des intrigues et polarisent le regard du lecteur-spectateur. Tous ne seront pas convoqués, mais les plus représentatifs, en raison de la gravité des maux inhérents à leurs comportements, sont élus pour l’analyse. Les nominés concernent le personnage sot, le dictateur et la femme infidèle qui nuisent à la bonne marche communautaire.
1-Le sot
Le sot est celui qui est incapable de poser avec justesse les problèmes de son milieu et de chercher à les résoudre sans porter atteinte à ses congénères. Les exemples de récits, mettant en scène le personnage sot et traitant de la sottise, de la crédulité et de la naïveté, abondent. Le thème de l’inintelligence englobe presque toutes les couches de la société traditionnelle : hommes, femmes et enfants. Dans le monde du bestiaire, les projecteurs sont braqués grandement sur Hyène, le souffre-douleur[6] du décepteur.
Ce personnage est affublé de traits de caractère qui en font un animal ridicule et porteur de péchés humains : il incarne le mauvais sujet, l’individu en marge de la société. Les conteurs demeurent toujours très prolixes au sujet de la hyène dont les visages peu reluisants ont pour finalité de faire connaître sa vraie nature, c’est-à-dire un animal ni meilleur ni pire que dans la réalité.
Généralement, la gourmandise le pousse à agir sans réflexion préalable. Oublieux, inexpérimenté, imprévoyant, le personnage est critiqué dans « La Vache de Dieu » à travers son échec et son châtiment, pour avoir tué la vache de Dieu : « Il ne faudra pas toucher au cœur »[7], lui recommande Araignée. Mais hélas, ses mauvais penchants l’amènent à « couper le cœur ». À travers ce récit de la faim, le conteur ridiculise le gourmand, condamne la gourmandise qui amène l’individu à mettre un accent particulier sur sa propre personne.
Dans la mentalité populaire, la gourmandise est le plus souvent attribuée à l’Homme solitaire, individualiste et égoïste. L’égoïsme est perçu comme une conséquence logique de la gourmandise. Il s’agit du repli sur soi motivé par la volonté de ne jamais partager, comme observé dans « Le Bœuf de l’Araignée »[8]. Ce récit montre qu’Hyène n’est pas le seul personnage égoïste. Araignée décide d’aller manger son bœuf loin dans la forêt, en un endroit où il serait seul. Pour ce faire, il abandonne sa famille. Au moment du festin, apparaît un monstre (la mort) qui s’empare de toute sa provision. L’égoïste n’obtient rien. Aussi se voit-il puni, en raison de ce travers. Le personnage qui voulait disposer tout seul de son bœuf se trouve finalement dans la situation de ne pas goûter au moindre morceau. La même sanction lui est réservée dans « Le Champ d’ignames »[9], « Araignée mauvais père »[10] où il affame délibérément sa famille, et « Araignée au pays où il n’y a pas de mouche »[11].
Le scénario de la perte totale de l’objet tant désiré s’observe pareillement dans « Ananzè et la sagesse ». Ayant reçu la sagesse de Dieu, Kacou Ananzè part en brousse, car voulant profiter seul de ce cadeau divin. Malheureusement, en chemin, il rencontre un arbre immense déraciné par une tornade. Son fils très soucieux, décide de l’aider. Mais, il refuse catégoriquement parce qu’il avait son plan. Malheureusement, Ananzè n’a pas contourné cet obstacle et son canari » magique » n’est pas arrivé à destination. Voici le récit de sa mésaventure : « Ananzè, son canari sur la tête, essaya de grimper sur l’arbre. A ce moment précis, une tsé-tsé, venue on ne sait où, lui plongea son dard dans l’oreille. Sous le coup de la douloureuse piqûre, oubliant qu’il portait le canari de sagesse qui, tombant sur le sol, vola en éclats »[12].
Pour les conteurs, l’égoïsme est sur l’échelle des vices placé au même niveau que la sorcellerie. En effet, la sorcellerie « est une menace du groupe communautaire, une atteinte à la cohésion sociale. »[13] L’acte égoïste ne renforce jamais les liens de solidarité qui constituent le socle de la vie sociale. Alors, la correction de ce défaut réside toujours dans la perte de l’objet tant désiré et qu’on veut garder pour soi. À ce niveau, le héros égoïste passe directement de la possession sans restriction à la perte totale, dans une posture ridicule. La satire de ce vice comme celui de la gourmandise met en évidence aux yeux de la communauté, la nécessité objective d’être altruiste, de se porter vers l’autre.
2-Le dictateur
Le thème du pouvoir est présent dans les contes à épreuves où s’observe l’abus des aînés (roi, père, Dieu). Ces récits posent à travers le jeu relationnel, les problèmes les plus sérieux de la société traditionnelle, dont le mariage qui révèle la satire de ceux qui ont autorité suprême et la charge de veiller à la bonne conduite des affaires de la communauté. En effet, l’on remarque que les épreuves imposées aux prétendants des filles par ces personnages tyranniques tournent toujours en faveur des candidats au mariage, car les conditions imposées, les critères de sélection équivalent, compte tenu de leurs difficultés, à un refus de la part de ceux qui ont le pouvoir.
Ainsi, « faire sortir de la poussière d’une pierre en y dansant »[14] ; « rapporter un spécimen de tout ce qui se mange sur terre »[15] ; « deviner le nom d’une fille inconnue »[16] ; « consommer une bouillie en ébullition »[17] ; « passer toute la nuit dans une maison pleine de punaises sans se gratter »[18] ; « couper des chiendents avec son sexe pour couvrir la case en construction »[19]sont perçues comme des conditions déraisonnables. Par ces critères déments, les rois tyranniques veulent empêcher le mariage des cadets. L’importance de cette institution n’est pas seulement la conséquence de la structure sociale qui s’appuie sur la femme, mais s’explique aussi par le primat accordé à la vie et le culte conséquent de la fécondité.
Négliger cet état de fait, consiste en la négation de la féminité, c’est-à-dire au commencement de la vie. Toute femme est fondée à prendre un mari dès sa maturité. Refuser alors le mariage d’une fille, équivaut à marquer un arrêt dans le processus de la régénération. S’y opposer par échafaudage d’intrigues, la construction d’énigmes est, par conséquent, inadmissible. L’épreuve difficile est en soi l’expression symbolique du refus et l’abus de pouvoir qui s’oppose à la loi ancestrale. L’on comprend, dès lors, la réflexion de cette vieille femme qui confie à Tôpé l’Araignée : « Notre roi tient tellement à sa fille qu’il ne veut pas accepter de la voir partir un jour avec un homme. Il veut aller contre la loi du royaume et des ancêtres »[20].
Dans le conte « La Dot », Araignée lui-même devant l’exigence de Dieu ajoute non sans dépit : « Quand on veut donner sa fille en mariage, on la donne sans chercher à éprouver les êtres »[21]. En effet, sous ces réflexions qui sont les propos d’indignation se lit la résignation du peuple pour qui chaque caprice du chef ou du souverain est un ordre. Malgré l’obstruction, un prétendant arrive toujours au succès final parce que l’idéologie traditionnelle prône la circulation des femmes.
Le thème de la victoire du faible sur le fort se réduit pour se confondre avec celui de la justice. Les conteurs flagellent l’abus du pouvoir sous toutes ses formes. Désavouer le père maniaque, revient à affirmer l’importance de l’union matrimoniale. La victoire du villageois sur le chef, du sujet sur le roi est la représentation symbolique de la contestation de la suprématie des hommes du pouvoir traditionnel. Conséquence, les chefs bafoués en quelque sorte perdent leur poigne et leur charisme. Ils sont tournés en dérision. Ce ne sont pas seulement la royauté et la chefferie, dans ce qu’elles ont de défectueux, qui sont attaqués, mais plutôt les défauts des individus imbus de leur autorité qui sont épinglés et cloués au pilori.
Dans ces récits, l’énigme ou la difficulté résolue par le décepteur par une manière peu orthodoxe, mais habilement menée montre non seulement la sottise du chef, mais aussi la bêtise de tous les concurrents qui croient en la bravoure ou en l’intelligence du prétendant victorieux[22]. Il est remarqué, une fois encore, que ces contes illustrent de façon prégnante l’intention primitive du rire rejetant hors du cercle de ses semblables l’individu qui se comporte de manière asociale.
Les défauts évoqués dans ces textes sont davantage nuisibles au groupe social et à l’individu. Peu importerait la méchanceté de la panthère[23] si elle vivait seule. La méchanceté de l’un et la goinfrerie de l’autre[24] prennent de l’intérêt en ce sens qu’elles font tort aux autres animaux. La valeur essentielle en société étant la paix, l’équilibre, l’harmonie au sein de la société, il en découle alors que le pouvoir mal compris ne peut que porter atteinte au groupe.
3-La femme infidèle
Il faut, toutefois, reconnaître que la démesure n’est pas l’apanage exclusif des hommes (pères, rois abusifs et autres individus de la société), car l’on rencontre également dans les contes des femmes dépourvues, quelquefois, du moindre sentiment humain.
Au chapelet des vices évoqués, s’ajoute l’infidélité, un comportement qui ne provoque pas la cohésion des rapports sociaux. À y voir de très près, le cycle de la femme infidèle dans les contes africains se résume à trois niveaux :
Premier niveau : Fuite et quelques moments de bonheur avec le nouvel homme.
Deuxième niveau : Moment de déchéance et de haine réciproque. Ce qui débouche sur la prise de conscience de la femme ou de l’homme.
Troisième niveau : Répudiation de la femme par son nouvel homme. Elle est donc obligée de retourner à son foyer conjugal.
Ce schéma, pourrait-on dire, se conforme à tous les contes traditionnels africains. Appliquons-le à « Nagnouma »[25].
Séquence 1 : Nagnouma rencontre un riche commerçant et s’évade avec lui.
Séquence 2 : Leur union coïncide avec la ruine totale du commerçant. Il chasse Nagnouma.
Séquence 3 : Habillée de haillons, tenant une vieille paire de chaussures à la main, Nagnouma s’enfuit et regagne son village, son foyer conjugal.
La seconde image négative de la femme, s’observe dans Les Contes du terroir, où le caractère volage de Pogfiifu, l’héroïne, la conduit à une aventure à l’issue de laquelle elle fut condamnée « à rester hyène toute sa vie. »[26]
Ce type de contes montre la désapprobation de l’adultère. La satire de la femme est patente. Qu’il s’agisse de la perfidie des marâtres et de leur méchanceté[27], de la sorcellerie d’une vieille[28] ou de l’infidélité des femmes mariées[29], dans tous les cas, les projecteurs sont braqués sur la femme qui est au centre de l’action. Misogynie consciente ou inconscience des narrateurs ? Toujours est-il que ceux-ci fustigent, généralement, chez leurs héroïnes, un penchant prononcé à la démesure, une inconduite dans laquelle ils voient à la fois une menace et un risque de déséquilibre, pour la société sans aucun doute, mais encore plus pour l’ordre cosmique. Tout élément susceptible de perturber l’osmose sociale est mauvais et condamnable, banni, comme la sottise, la gourmandise, l’égoïsme, l’infidélité… Ces maux déstructurent le tissu social en portant atteinte au réseau relationnel.
II-LE RÉSEAU RELATIONNEL : UN DIAGNOSTIC DES SYMPTÔMES
La saisie totale d’une œuvre passe nécessairement par son réseau de relations[30]. Chaque récit développe, en effet, un réseau relationnel comme une comédie. Il met en lice des acteurs souvent nombreux : héros, antihéros, personnages principaux ou secondaires, individualités agissantes ou seulement conditionnantes ; êtres nommés ou simplement situés par leur essence. L’univers fictionnel des contes s’apparente au jeu scénique théâtral avec toute une panoplie d’acteurs qui foisonne à souhait. Ces derniers se caractérisent, selon la volonté du conteur, de défauts ou de vertus. L’analyse saisit l’un des maux inhérents à la majorité des personnages dans les récits, et qui est la base de tous les défauts. Il s’agit de l’individualisme et son pendant, la méchanceté.
1-L’individualisme
L’individualisme, issu du latin individuus, indivisible, inséparable, lui-même composé du préfixe privatif in- et de dividuus, divisible, divisé, partagé, séparé, est une conception philosophique, politique, sociale et morale qui tend à privilégier les droits, les intérêts et la valeur de l’individu par rapport à ceux du groupe, que ce soit la famille, le clan, la corporation, la communauté, la société, etc.
Défini de la sorte, l’intérêt individuel est considéré comme supérieur à l’intérêt général et est assimilé à l’égoïsme, une tendance à ne vivre que pour soi. Ainsi, les liens communautaires se distendraient et les solidarités traditionnelles péricliteraient. Jean-Gustave Padioleau partage cette opinion :
L’individualisme charrie une vision du monde selon laquelle seuls les intérêts personnels méritent d’être pris en compte, il ne favorise ni la naissance ni le maintien des sentiments de confiance ; le « chacun pour soi » n’incite pas à des actions collectives bien que ces dernières puissent être favorables au bien-être des personnes. [31]
Ce terme devient une pathologie dans la société fictive des contes, avec les personnages vecteurs abritant cette tare. Vivre pour soi en faisant fi des autres membres, dans l’univers traditionnel africain, est une entorse fondamentale aux lois communautaires. En effet, pour cet espace, où s’exerce le« holisme », selon l’expression de Louis Dumont et caractérisé par la structure hiérarchique (systèmes des castes et de notabilité)[32], l’acte individualiste enkyste le tissu social et l’effiloche. Il devient une menace, une maladie, car tout individu dépend pour sa survie d’une société, et, par extension, d’un groupe envers lequel il a naturellement des devoirs : la société lui permet de vivre.
En Afrique, l’individu n’est pas un être distinct du groupe. Entre la communauté et lui, existe une relation de présupposition bilatérale de sorte que, l’un ne peut se définir sans l’autre. Aussi, tout acte individualiste est puni par la mort. L’idéal individualiste, s’il était réduit dans son principe à une négation de la société, serait donc un reniement des conditions de vie de l’individu.
Ainsi dans le cycle de l’orphelin(e), le choix n’est pas fortuit[33], la marâtre acariâtre étale son individualisme, puisque refusant de s’ouvrir en toute bonté à l’enfant déshérité(e) par la perte de sa mère. Elle nie son existence par la maltraitance qu’elle fait subir consciemment et volontairement à cette dernière : « Du jour au lendemain la pauvre Téné se retrouva sous la coupe de sa marâtre, une femme vile et acariâtre. Elle cria, hurla, vociféra, vitupéra, s’exclama, injuria, maudit et menaça la pauvre Téné quand celle-ci culbuta et brisa sa calebasse. »[34]
La coépouse jalouse gangrène ainsi le modèle communautaire traditionnel du don et contre-don qui entretient la cohésion du groupe. La négation de l’orphelin s’inscrit dans la désolidarisation, un mal aux antipodes de l’univers traditionnel. En cela, la marâtre apparaît comme un individualiste anarchiste, selon l’acceptation de Victor Basch[35].
Ce comportement est symptomatique chez la jeune fille nubile fantaisiste (le cycle de la jeune fille difficile), lorsqu’elle défie l’idéologie communautaire quant au choix de son époux (un bel homme hors du commun des mortels). L’analyse physiologique de ces personnages révèle leur caractère méchant. En effet, tout acte posé et inscrit dans la primauté de l’ego débouche nécessairement sur le Mal. L’individualisme ruine irréfutablement l’existence humaine par la déstructuration des rapports interpersonnels. En cela, l’idéal individualiste a pour corollaire la méchanceté.
2-La méchanceté
Le conte africain est un message d’existence et de coexistence. Ces notions signifient, dans ce contexte fictionnel, nécessité de reconnaissance et désir de partage et d’égalité. Or, les attitudes de certains personnages s’inscrivent au rebours des principes sociaux visant la cohésion. Ainsi, les contes à thématique traitant de la grossièreté, de l’égoïsme, des lubies excentriques de certains personnages, des aberrations des décepteurs… sont des facteurs de division et des indicateurs du règne de la méchanceté, présent dans les contes de l’orphelin. Ce défaut englobe la cruauté, la malveillance et même la jalousie et l’ingratitude. Le comportement exécrable de la marâtre est toujours souligné avec éclat.
Ainsi, refuser sa magnanimité à un être frêle et handicapé par la perte d’un parent, rompre avec ses proches, encanailler les autres en leur tenant un discours mirifique, vivre en faisant primer obstinément les prérogatives du moi dans les récits, sont les modalités de l’ego. Ces attitudes s’inscrivent dans la logique de la scélératesse, de la mauvaiseté. Dès lors, les personnages épinglés en raison de leurs agissements constituent une menace sociale, car en eux n’existe plus de bénignité. Ils affichent ouvertement leur animalité parce qu’ayant foulé au pied leur humanité. Refusant délibérément l’autorité et la sacralité des principes sacro-saints de fonctionnement de la société, le méchant œuvre à la perte des siens et de lui-même sans le savoir, comme observé dans « Les deux coépouses », où l’héroïne, Mamounata, subit la méchanceté de sa coépouse qui urinait dans sa marmite de sauce et empoisonnait tous ses repas dans le but qu’elle soit répudiée par leur mari. Mais hélas, la méchante rivale subit l’effet du boomerang. Du beurre de karité mise à chauffer à la place de la sauce s’enflamme et brûle ses parties intimes quand celle-ci est venue, comme à l’accoutumée, uriner dans la marmite de Mamounata[36].
La méchanceté est une menace de la démocratie (au sens de paix sociale), selon Marcel Gauchet[37]. En effet, comment vivre avec autrui lorsqu’on nourrit des sentiments méchants à son égard ?
Dans « Les nouveaux noms », Kangal la panthère affiche sa cruauté à l’encontre d’Alè la biche, une rescapée de ses attaques «J’eus tout juste le temps de m’esquiver pour échapper aux terribles griffes de Kangal. »[38] L’égoïsme et la perfidie d’Araignée, défauts résultant de sa méchanceté, sont des maux pernicieux à la famille et à toute la communauté, comme illustrés dans ce fragment textuel : « Si tu mangeais à toi seul toutes ces ignames […] sans en donner à personne. »[39]
Dans la majorité des contes, les méchants finissent toujours mal et sont punis. Il est donc évident que la méchanceté, quelle que soit sa forme, est un défaut fustigé par la société. L’enseignement que l’on peut tirer des récits du personnage méchant est un enseignement de morale pratique, à savoir, dans la vie la méchanceté ne paie pas. Il faut au contraire être bon, compatissant et reconnaissant. Il est conseillé alors à l’Homme de ne pas être méchant parce que ce vice conduit à la jalousie et même au meurtre qui est une négation de l’humain dans l’Homme. Comment parvenir à asseoir une méthodologie comportementale (behaviorisme) qui viserait une parfaite humanisation sociale ? Quels traitements adéquats convient-il ? Autrement dit, quels procédés mobilise le conteur pour lutter contre les maux de la société ?
III- LA SATIRE DU PERSONNAGE ASOCIAL : UN PROCÉDÉ DE DÉCONSTRUCTION ET DE RECONSTRUCTION
Face au problème de la perte de la cohésion sociale qui s’avère être « la pathologie de notre époque et la plus grande menace pour la santé de toute démocratie », selon les termes de l’historien britannique Tony Judit[40], le conte africain, eu égard à ses nombreuses fonctions, est apte à secourir l’Homme.
Porteur des préoccupations collectives de la société, comme le souligne Ernest Tououi Bi Irié[41], le conte africain assure la vie et la survie du groupe. En effet, la parole du conte dans l’univers social africain vise le bien dire, en vue de charmer ou d’instruire, d’animer la communauté ou de l’éduquer.
Dans cette optique, il convient de s’accorder avec la réflexion d’Emmanuel Matateyou au sujet de ce genre, pour souligner l’importance de la parole du conte : « La parole ici est reine (…). Son pouvoir est manifeste dans les danses et chants sacrés, les serments, mais surtout lorsqu’elle concerne le monde fluide, immatériel, le monde du conte. »[42] La souveraineté du conte se manifeste largement et suffisamment dans sa fonction de régulateur social, à travers la satire qu’il déploie subtilement et habilement. Sa mission est de déconstruire pour (re) construire.
1-La déconstruction
Le mot « déconstruction », du verbe « déconstruire » est absent du Dictionnaire de l’Académie Française en son édition de 1835[43]. À cette date, il désignait sous sa forme étymologique « défaire » et usité dans le domaine philosophique.
Pour l’étude, le verbe défaire serait pris sous sa forme pronominale : se défaire ; et précisément sous l’expression se défaire de quelque chose, signifiant abandonner, délaisser, renoncer à. Par quels procédés le conte parvient-il à pousser l’individu à se défaire de ses défauts ?
La satire des personnages asociaux est la voie royale pour réaliser cette entreprise, et les moyens mobilisés pour le réussir est le comique avec ses différentes formes (l’humour, le grotesque, l’ironie, la parodie, le carnavalesque, le burlesque…). Mohamadou Kane est de cet avis : « Le comique et l’humour constituent les moyens les plus adéquats de la satire qui s’exerce de diverses manières. »[44] Quelques précisions terminologiques au sujet du comique s’imposent, en raison de sa présence récurrente dans les contes. Il est, à la fois, la cartouche et le remède du conteur. Une étude exhaustive ne sera pas menée, mais certaines de ses caractéristiques seront dégagées sommairement.
Le comique est difficile à définir en raison de son existence nulle part à l’état pur, élémentaire, mais apparaît toujours en composition avec de multiples facteurs indissociables tels l’humour, la parodie, le grotesque…. Cependant, l’on convient avec Jean-Marc Defays que le comique repose sur « le rire sous toutes ses formes. »[45] Pour ce dernier, le rire fonctionne sur le jeu d’alternance de la solidarité « rire avec » et de l’exclusion « rire de ». Il souligne, dans son ouvrage, Le Comique, la fonction axiologique du rire qui est celle de (s’auto-) critiquer, d’approuver ou de condamner, de sanctionner et de moraliser. Ce point de vue s’inscrit dans celui d’Henri Bergson qui relève la dimension sociale du rire : « Le rire vise surtout à réprimer, donc à prévenir les automatismes qui prennent la vie à contre-pied et qui menacent finalement l’harmonie sociale. »[46] Le comique est placé dans son cadre social et culturel. Pour l’étude, le choix du rire d’exclusion[47], selon l’expression d’Eugène Dupréel, est approprié. Il s’agit de considérer l’aspect sanction, en vue d’une socialisation par l’abandon des défauts.
Le comique des contes du personnage asocial, comme observé dans le cycle du décepteur et de son contre-point, suscite le rire gai et caustique. Le trickster, dans ses actes individualistes, échafaude des ruses qui ne lui sont pas, quelquefois, bénéfiques[48]. Hyène dans ses attitudes bouffonnesques est toujours sanctionné[49]. Les contes du personnage abusif, détraqué présentent le roi, le chef, le notable ou le courtisan ridicules. Ils ne sont jamais atteints physiquement, non plus battus, blessés ou touchés dans leur chair, mais plutôt gaussés. Le conteur ridiculise sa victime ; le personnage qui refuse de s’adapter aux normes imposées par la société.
Phénomène à forte charge significative, le rire est lié aux travers qu’il met en évidence. Cet acte frappe l’individu dans son être social. En effet, celui aux dépens de qui l’on rit est atteint dans son honorabilité. Sa position sociale est aussi frappée et se trouve souvent compromise à plus ou moins longue échéance. Tout personnage couvert de honte est destiné par le conte à la médiocrité, à la disparition, même si l’issue du drame ne consacre pas concrètement, physiquement cette mort. Il est humilié au sens étymologique : » rabaissé au niveau de la terre. »
Il est donné comme ne devant plus survivre à la vue des auditeurs[50]. Dans les récits, le rire vengeur, démystificateur tient à corriger les points négatifs et à modérer les sentiments et les comportements extrêmes des acteurs, en vue de leur reconstruction.
2-La reconstruction
Du verbe reconstruire, la reconstruction, selon Le Grand Robert signifie construire de nouveau, réédifier. Au sens figuré, il prend le sens de reconstituer. Cette dernière signification convient à l’analyse. Il s’agit de bâtir à nouveau, de transformer, de faire peau neuve, de renaître.
Il est question de façonner un nouvel être, c’est-à-dire donner un nouvel aspect tout en abandonnant l’ancien, former peu à peu quelqu’un à l’éducation. Pris dans cette acceptation, le conte reconstruit l’individu par la satire de ses défauts, en vue d’une socialisation[51]. Dans cette entreprise, le rire occupe une place importante, car il permet la dérision et la correction des défauts. Comme le verbe qui crée la vie ou la supprime, le rire divertit et tue. Il ne s’agit pas de la mort physique, mais d’une atteinte de la psychologie du mis en cause. Le rire est correctif par conséquent de l’imperfection individuelle et collective comme l’exprime si bien Joëlle Fuhrmann
On peut comparer le rire à une sorte de miroir grossissant qui serait présenté au lecteur et dans lequel ce dernier verrait, grossis et caricaturés jusqu’au burlesque les travers de la nature humaine, facteurs négatifs dans une vie en société. Le rire serait par là même le meilleur allié de cette dernière puisqu’il influencerait dans le sens d’une vie meilleure les comportements et les sentiments des individus. Il viserait donc à consolider la vie sociale en faisant prendre conscience des éléments destructeurs de celle-ci[52].
Par le rire, les conteurs moralisent la vie comme pour épouser le sens de l’adage « châtier les mœurs par le rire ». Ainsi, la dimension sociale du rire est mise en évidence par son effet positif sur les mœurs (sanction), par la catharsis, une purgation des passions néfastes, ou par l’exemple du vice puni (castigat ridendo mores). Le comique des contes africains se résume à la moquerie, puisque ses cibles sont les défauts et les laideurs des personnages qui contrarient l’idéal d’ordre et l’harmonie sociale. La satire des individus s’observe donc à travers le code normatif général de la société.
Le conte s’adresse au lecteur-spectateur, il s’agit de la parole de reconstruction, le discours remède qui pourra le guérir, le libérer des troubles existentiels pour la recouverte de son identité, comme l’affirme Memel Foté Harris : « Parler, ce n’est pas seulement exprimer l’identité de sa personne individuelle. C’est aussi s’inscrire dans la mémoire de la communauté et inscrire la mémoire de la communauté dans celle de l’Homme, afin d’expurger en lui la douleur. »[53] L’identité n’est ni raciale ni figée. Elle part de soi et communique son intégration en la culture de l’autre et revient à soi[54]. Par sa noble mission sociale, le conte africain[55] permet la découverte de soi-même et l’ouverture à l’Autre. Son rôle est la prévention du sentiment de l’entre-deux pour le bien-être social.
CONCLUSION
Mode privilégié d’expression de la pensée africaine, le conte sert également d’outil pédagogique pour la transmission des valeurs morales et sociales de la société traditionnelle conçue et perçue autour de la communauté, et non de l’individualisme. Exerçant la fonction didactique et de formation susceptible d’enrichir la culture moderne à travers ses thèmes d’instruction ayant une portée universelle, ce genre milite à la préservation des acquis culturels. Par le biais du comique, du grotesque et de l’humour, il assume sa fonction cathartique et thérapeutique et apporte des solutions aux problèmes relatifs à l’identité. La littérature des contes peut être un facteur des assises de la mondialisation[56], par la semence des valeurs[57]. En cela, le conte africain œuvre pour le mutualisme, le vivre ensemble, car il amène l’être humain à s’interroger sur ses rapports avec lui-même et avec Autrui. Il est donc temps que ce genre, comme le précise Joseph Dong’Aroga,
redonne vie aux valeurs de sagesse à travers la maîtrise de soi, la solidarité, l’acceptation d’autrui et des lois qui gouvernent la vie sociale et prescrivent la subordination des tendances et des passions qui régissent le moi individuel aux principes de la vie sociale. [58]
En restaurant le corps social par la stigmatisation des maux qui minent la veine communautariste, le conte africain modélise la vie quotidienne et s’érige en un art du vivre ensemble indispensable.
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[1]Des doctrines comme l’intégrisme, le djihadisme, le populisme… sont des concepts fossoyeurs des valeurs morales.
[2]Hervé Kempf, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Paris, Seuil, 2009, p.71.
[3] Barthélemy Kotchy, La Correspondance des arts dans la poésie de Senghor, Abidjan, NEI, 2001, p.12.
[4]Le Free Hugs Campaing est un mouvement, en vogue en Australie et aux USA, initié par un homme connu sous le pseudonyme de Juan Mann. Il regroupe, à Sidney, chaque premier samedi du mois de juillet, des inconnus souffrant de solitude, en quête de tendresse et d’étreintes dans la rue. Il met l’accent sur les câlins gratuits.
[5]Ce choix s’explique par le fait que, selon Jean Cauvin, le mot conte « ne recouvre pas partout les mêmes réalités. », cf : Comprendre les contes, Paris, Éd. Saint Paul, 1980, p. 15. Ainsi en Afrique, la gratuité de l’art ne se conçoit pas, car toutes les occasions sont bonnes pour éduquer. Et, pour Roland Colin, « les contes ont comme conséquence pratique d’aboutir à un resserrement de la solidarité sociale. », cf : Les Contes noirs de l’Ouest africain, Témoins majeurs d’un humanisme, Paris, Présence Africaine, 1957, p. 146. C’est donc la fonction sociale (didactique et pédagogique) qui justifie cette posture.
[6]Ce personnage à pattes est le point focal des récits animaliers, puisqu’il est récurrent dans une série de contes, au point d’en constituer un cycle. En général, le décepteur a pour mission de faire ressortir ses nombreux défauts.
[7] « La Vache de Dieu », p.113, in Bernard Dadié, Le Pagne noir, Paris, Présence Africaine, 1955.
[8] « Le Bœuf de l’Araignée », p.53, in Le Pagne noir, op. cit.
[9] Idem, « Le Champ d’ignames », p.121.
[10] Bernard Dadié, Légendes africaines, Paris, Présence Africaine, 1955, « Araignée mauvais père », p.71.
[11] Léopold Tauxier, Nègres Gouro et Gagou, Paris, Librairie orientaliste, 1940, « Araignée au pays où il n’y a pas de mouche », p. 280.
[12] Bernard Dadié, Les Contes de Koutou-as-samala, Paris, Présence Africaine, 1954, « Ananzè et la sagesse », p. 36.
[13] M’Bemba Gaston N’Doumba, Les Bacongo et la pratique de la sorcellerie, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 57.
[14] Touré Théophile Minan, Les Aventures de Tôpé-l’Araignée, Abidjan, NEI, 1993, « Le roi cherche un gendre », p.115.
[15] Bernard Dadié, Le Pagne noir, Paris, Présence Africaine, 1955, « La Dot », p.133.
[16] Bernard Dadié, Les Contes de Koutou-as-samala, op. cit. , « Le chien de Hangon », p.88.
[17] François Joseph Amon d’Aby, La Mare aux crocodiles, Abidjan, NEI, 1993, « Le lièvre épouse la fille du roi », p.49.
[18]Colardelle Diarrassouba, Le lièvre et l’araignée dans les contes de l’ouest africain, Paris, Collection 10 / 18, Livre de Poche, 1975, Annexe des contes du lièvre inédits, conte n° 2, p.240.
[19] Idem, conte n° 3, p.242.
[20] Touré Théophile Minan, Les Aventures de Tôpé-l’Araignée, op. cit., « Le roi cherche un gendre », p.116.
[21] Bernard Dadié, Le Pagne noir, op. cit., « La Dot », p.133.
[22] La satire dans les contes du type « Mariage au concours » n’est pas une satire univoque même si elle consiste d’abord à nous présenter la naïveté du roi ou du chef. Elle concerne tous les concurrents potentiels qui y ont échoué et s’attaque à tous les spectateurs qui ont vu dans le « succès » du décepteur un élément émotif d’admiration et une source de joie.
[23] Touré Théophile Minan, Les Aventures de Tôpé- l’Araignée, op. cit.
[24] « Le Gigot divin », p. 31, in Les Aventures de Tôpé- l’Araignée, op. cit.
[25] Djibril Tamsir Niane, Contes d’Hier et d’Aujourd’hui, Paris, Présence Africaine, 1985, « Nagnouma », p.101.
[26]Tiendréobéogo Ouédraogo et Marie Bernadette, Les Contes du terroir, Ouagadougou, Éditions Sidwaya, 2001, p. 36.
[27] Les contes de l’orphelin (e) : Cf : « L’orpheline » de Diallo Boubakar, Le Totem. Recueil de contes du Burkina-Faso. Paris, L’Harmattan, 1993, p. 8, et « La Cruche » de Bernard Dadié, Le Pagne noir, Paris, Présence Africaine, 1955, p. 23.
[28] François Joseph Amon d’Aby, La Mare aux crocodiles, op., cit., « Dame Zinimo », p. 97.
[29] Ano N’Guessan Marius, Contes Agni de l’Indénié, Collection « Les dires d’hier », Abidjan, CEDA, 1988.Cf « La femme adultère », p. 54.
[30] Louis Vincent Thomas, Et le lièvre vint … récits populaires diola, Paris, NEA, Dakar, Abidjan, Lomé, 1982.
[31] Jean-Gustave Padioleau, L’Ordre social, Principes d’analyse sociologique, Paris, L’Harmattan, 1986, pp. 174-175.
[32] Louis Dumont, Homo Hierarchicus, Paris Gallimard, 1979, et Essais sur l’individualisme, Paris Seuil, 1991.
[33]Dans le cas de la société traditionnelle africaine pour qui la croyance à l’esprit de la communauté est profondément ancrée dans les mœurs, le strict respect des normes, édictées par les ancêtres, est primordial pour la cohésion du groupe tout entier. Et l’enfant dans cette optique est souvent considéré comme celui sur qui repose toute inculcation de valeurs, car plutôt qu’un être de passage, il est celui par qui se fait toute sauvegarde et toute perpétuation des normes sociales et de la culture du groupe. Lui dénier l’existence est non seulement un crime, mais aussi et, surtout, une barrière à la perpétuation des fondements existentiels.
[34]« L’orpheline » de Diallo Boubakar, Le Totem. Recueil de contes du Burkina-Faso. Paris, L’Harmattan, 1993, p. 8.
[35]Victor Basch, L’Individualisme anarchiste, Paris, reed. Archives Kareline, 2008. L’auteur décrit l’individualiste anarchiste, comme une personne faisant fi de l’autorité et agissant pour son propre compte, déstructurant ainsi, tout le système de fonctionnement social.
[36]Sissao Alain-Joseph, Contes des pays moose. Burkina Faso. Paris, Karthala / Éditions Unesco, 2001, p. 147.
[37]Marcel Gauchet, La Démocratie contre elle-même, Paris, 2002, p. 114.
[38] Touré Théophile Minan, Les Aventures de Tôpé- l’Araignée, Abidjan, NEI, 1993, « Les nouveaux noms », p. 13.
[39] « Le Champ d’Ignames », p. 125, cf. Le Pagne noir, op. cit.
[40] Cité par Dominique Strauss Kahn, DG du FMI le 1er Novembre 2010 à Agadir, lors de son allocution portant sur : Développement humain et répartition des richesses. Cf. http/www.imf.org/external/french/np/speech, consulté le 8 décembre 2012.
[41]Tououi Bi Irié Ernest, Expression et socialisation dans les contes gouro de Côte d’Ivoire, Tome 2, Paris, L’Harmattan-Abidjan, 2014, p. 17.
[42] Emmanuel Matateyou, Comment enseigner la littérature orale africaine ? Paris, L’Harmattan, 2011, p. 15.
[43] Arsène Darmesteter, La Vie des mots étudiés dans leurs significations, Paris, Delagrave, Première Édition, 1887, Nouvelle Édition, 2010, p. 116.
[44]Mohamadou Kane, Essai sur les contes d’Amadou Coumba, Abidjan-Dakar-Lomé, NEA, 1981, p. 190.
[45] Jean-Marc Defays, Le Comique, Paris, Seuil, 1996, p. 4.
[46] Henri Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique, Paris, PUF, 1978 (1901), p. 92.
[47] Eugène Dupréel, Essais pluralistes, Paris, PUF, 1949.
[48] « Le Champ d’Ignames », p. 132, Le Pagne noir, op. cit.
[49] Konan Yao Lambert, « Le loup et la hyène, deux personnages aux destins atypiques similaires », in Alkémie, Revue Thématique de Littérature et de Philosophie, Université de Sibiu, Roumanie, numéro10, 2012, pp. 84-85.
[50] Cette mort symbolique du héros ridiculisé s’observe souvent dans sa fuite à la fin des contes. La fuite d’Araignée après l’humiliation est une sorte de mort sur scène. On a Le pagne noir, op. cit., de B. Dadié, « Le Champ d’ignames », p.132, « Araignée et son fils », p.150. Dans Contes Agni de l’Indénié, op. cit., de Ano Marius N’guessan, « Araignée aux funérailles divines », p.125, « Araignée et Dieu », p.134.
[51] Konan Yao Lambert, « Crimes et châtiments dans les contes ivoiriens ou la problématique de la transgression des interdits », in Revue Scientifique Geste et Voix, numéro 16, décembre 2012, Université Abomey Calavi, Bénin.
[52]Joëlle Fuhrmann, « Les différentes causes, formes et fonctions du rire dans les Mären de l’Allemagne du Moyen-Âge tardif », in Le Rire au Moyen-Âge dans la littérature et dans les arts, Actes du Colloque international, 17-18-19 novembre 1988, Paris, P.U.F., p.182.
[53]Mémel Foté Harris, Esclavage, traite et Droits de l’homme en Côte d’Ivoire de l’époque précoloniale à nos jours, Abidjan, CERAP, 2006, p.46.
[54]Abdelkhaleq Jayed, « Identité et Altérité dans les œuvres narratives de Fouad Laroui : Regards croisés », pp. 176-177, Ouvrage collectif : De l’Altérité à la poétique du vivre ensemble dans la littérature africaine, Paris, L’Harmattan, 2017, sous la direction de Diakaridia Koné et Aboudou N’Golo Soro.
[55] La différenciation entre le conte africain et le conte occidental réside dans leur destinée. Dans l’espace européen, les contes s’ils ne sont pas exclusivement des histoires pour enfants sont des histoires d’enfants.
[56] Édouard Glissant, « Migrations et Mondialité », in Africultures, n° 54, janvier-mars 2003, Paris, L’Harmattan, p. 13. P 15.
[57] Le mot valeur est considéré ici comme : « une manière d’être ou d’agir qu’une personne ou une collectivité reconnaît comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle est attribuée.» Cf : Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale, Paris, Seuil, 1992, p. 70.
[58] Joseph Dong’ Aroga, « L’Éthique sociale dans les contes du Cameroun, in Littérature camerounaise depuis l’époque coloniale : figures, esthétiques et thématiques, Yaoundé, Clé, 2004, p. 23.