Numero special 1 - "Jeunes chercheurs"

Litterature et bandes dessinees en cote d’ivoire. Adaptation et reception : Yao Kobenan atta nicaise

LITTERATURE ET BANDES DESSINEES EN COTE D’IVOIRE. 

ADAPTATION ET RECEPTION : UN ESSAI DE SOCIOLOGIE DU PUBLIC

 

YAO KOBENAN ATTA NICAISE

Doctorant, Littérature générale et comparée, UFHB.

 

Résumé : Cette étude essaie de faire une incursion dans le domaine des adaptations cinématographiques de bandes dessinées en Côte d’Ivoire. Elle lève le voile sur le processus de légitimation des auteurs paralittéraires et la stratégie par laquelle ces derniers parviennent à redéfinir la notion de littérature suivant les théories de la réception.  La première partie de l’article répertorie quelques adaptations cinématographiques de bandes dessinées en Côte d’Ivoire. L’étude révèle également dans la deuxième partie, quelques problèmes à l’adaptation d’une bande dessinée au cinéma en partant de l’incompatibilité des dimensions à la représentation du son en passant par le traitement du personnage. Elle prend fin à partir d’une analyse empirique récapitulant le succès que connait Aya de Yopougon et son auteur.

Mot clé : adaptation, cinéma, bande dessinée, vignette, médium

Abstract: This essay is an attempt to enter the cinematographic adaptations’ field of cartoon in Côte d’Ivoire. It unveiled the legitimation process of paraliterary authors and the strategy through which those authors achieve the redefinition of the literary notion according to the reception theories. The first part of this article encompasses some cartoons cinematographics adaptations in  Côte  d’Ivoire. It also reveals in the second part, some difficulties related to the cartoon cinematographic adaptation to cinema, starting from the incompatibility of the dimensions to sound production  through the cast  creation. It ends with an empirical analysis which summarises the succes of  Aya of Yop-city and its author.

Keywords : adaptation, cinema, cartoon, vignette, medium.

INTRODUCTION

Durant les deux premières décennies après les indépendances, la Côte d’Ivoire pouvait vanter d’avoir une production cinématographique importante. Que ce soit à Abidjan comme à l’intérieur du pays, le public se bousculait pour avoir accès aux salles et se délecter des projections cinématographiques. C’était l’âge d’or du septième art. Aujourd’hui, de nombreux spécialistes du cinéma s’accordent à reconnaître que le cinéma ivoirien est en difficulté. Ainsi, afin de redynamiser ce secteur, et afin qu’il retrouve son lustre d’antan, les cinéastes ivoiriens s’inspirent des œuvres paralittéraires, précisément des bandes dessinées dans l’optique de réaliser des chefs-d’œuvre. Par ailleurs, rappelons-le, l’adaptation cinématographique est le lieu de la collaboration la plus fructueuse entre bandes dessinées et cinéma. Ici, les œuvres paralittéraires servent, de source, au cinéma. Ces textes sont déconstruits puis reconstruits, par le jeu de la création cinématographique.

Cependant, pourquoi adapter une bande dessinée ?

 Une adaptation cinématographique est d’abord pour le réalisateur, le moyen de donner vie à une création qui a pu le marquer. Ensuite, au niveau du public, elle suscite chez le spectateur, le plaisir qu’il avait eu devant l’œuvre sous sa forme première, car une adaptation est susceptible d’attirer davantage des spectateurs qui connaissent la licence (la version) originale. C’est de cette observation que découle le thème de notre communication : « littérature et bandes dessinées en Côte d’Ivoire, adaptation et réception : un essai  de sociologie du public ». Dès lors, comment et pourquoi les auteurs de bandes dessinées parviennent-il à redéfinir la notion de littérature suivant les théories de la réception ?  L’objectif majeur étant de montrer la stratégie par laquelle les auteurs de bandes dessinées parviennent à redéfinir la notion de littérature, notre hypothèse est qu’il existe en dehors de l’institution, d’autres processus de légitimation du statut d’écrivain.

  • CINEMA ET REECRITURE DES TEXTES PARALITTERAIRES

Cette partie de notre article fait un bref inventaire des adaptations cinématographique de bande dessinée en Côte d’Ivoire.

1-Princesse Ashanti

Sorti en Côte d’Ivoire en juillet 2013, Princesse Ashanti est le premier film d’animation ivoirien, réalisé par Abel Kouamé. Dessinateur de bande dessinée et ancien dessinateur au journal satirique ‘’Gbich’’ qui signifie selon le producteur délégué de cette adaptation cinématographique, Lassana Zohoré, ‘’coups de poing’’. Abel Kouamé a consacré une bande dessinée à l’histoire de la reine Abla Pokou.

Ses débuts dans l’animation commencent en 2008. En 2009, il décide d’adapter sa bande dessinée Princess Ashanti en film d’animation. Ce film est réalisé par le studio Afrikatoon et s’inspire du récit de la légende baoulé que plusieurs auteurs dont Bernard Dadié, Charles Nokan, François d’Assise N’da ont mis en récit. Ce long métrage de soixante-cinq minutes est construit à partir d’un scénario qui s’inspire de la vie de la princesse Abla Pokou. En effet, Abla Pokou est pour certains, une figure historique qui a réellement existé et pour d’autres l’une des grandes figures des mythologies d’Afrique de l’Ouest. Afin de rendre le récit aisé comme celui de sa source (La légende baoulé), le réalisateur a adopté des techniques d’animation très simple en faisant des recherches au Ghana et en Côte d’Ivoire pour reconstituer des paysages réalistes.

Le producteur de cette adaptation cinématographique, Lassane Zohoré indiquait au cours d’une interview que l’objectif de cette adaptation est de rendre cette légende adaptée d’abord en bande dessinée puis en version filmique plus conviviale et humoristique afin d’élargir sa réception. La preuve le site de téléchargement audiovisuel « Youtube » enregistre de plus en plus les témoignages des internautes à l’endroit de cette production cinématographique. Nous avons retenu quelques-uns faisant l’éloge de cette réalisation :

Mr Brams : j’ai vraiment adoré, un très bon film et un merveilleux conte africain. Merci à Afrikatoon et bonne continuation ![1]

Gladiator For DRC : Belle manière de transmettre notre culture à nos enfants, bravo ! Je vous écris depuis le Congo.[2]

Sidiki Aboubacar Sylla : C’est adorable avec un décor agréable et je dis merci à Afrikatoon [3]

Neo Molock : Bravo Afrikatoon la légende baoulé enfin en dessin animé. Ce film est agréable.[4]

2- De Tito à Drogba

De Tito à Drogba est une bande dessinée du dialoguiste ivoirien Gabin Bao et du dessinateur Pierre Sauvalle. Paru en Côte d’Ivoire en décembre 2012, cette bande dessinée reconstitue en dessins selon Gabin, les moments forts du plus célèbre footballeur de Côte d’Ivoire Didier Drogba. Elle parait en France aux Editions Esprit libre Junior et 7 étoiles en 2014. C’est une hagiographie tout à la gloire du célèbre footballeur ivoirien. Dans cette bande dessinée  riche en couleur, les dessinateurs privilégient les personnages et les portraits de cette bande dessinée. Les plans sont plus larges et le récit, volontairement scolaire se veut moralisateur et pédagogique.

L’originalité de cette bande dessinée qui se manifeste par le triptyque Biopic-Bande dessinée-Football, lui a valu son adaptation en version cinématographique. Cette adaptation s’est en réalité inspirée des nouvelles tendances fictionnelles des bédéistes qui se servent des textes littéraires. Ainsi, à travers ces adaptations, l’on constate que le cinéma mondial est en manque d’inspiration et la bande dessinée se présente comme un vivier dans lequel puisent les réalisateurs afin de redynamiser ce secteur.

3- Soundiata, le réveil du lion

Soundiata le réveil du lion est un film en 3D sorti depuis août 2014 dans les salles de projection à Abidjan. Ce film est une adaptation cinématographique de la bande dessinée du story Teller Abel Kouamé. En effet, Soundiata, le réveil du lion est une bande dessinée produite par l’hebdomadaire satirique « GBICH ». C’est un graphisme soigné avec une animation fluide, des dialogues bien sentis et la sensibilité Ouest-africaine remarquablement exprimée.

L’objectif de cette adaptation est de valoriser la dimension éducative de ces textes littéraires et  de perpétuer le patrimoine africain en le transmettant aux plus jeunes. Au niveau de sa réception, il faut souligner que cette adaptation cinématographique a connu l’assentiment du public, la preuve, plusieurs témoignages font des éloges à son endroit. En témoigne le site de la maison de production Afrikatoon qui reçoit plusieurs commentaires du public encourageant et félicitant l’initiative.

Boss Diallo : Je suis sénégalais, j’aime cette histoire de Soundiata Kéita. Vive l’Afrique et sa culture ![5]

Benita : Grand merci pour ce film, c’est le meilleur ! Vos œuvres sont exceptionnels.[6]

Vane­-sia : J’adore, j’adore surtout la chanson de Soumangourou ‘’je suis Soumangourou’’,  le chant du griot de Soundiata et celui du soldat de Niaré ‘’Nous sommes les soldats de Niaré Magan Kéita.[7]

Licchil Vicelord : Beau travail ! Agréable et plaisant à voir, rien à dire le contenu est très bon.[8]

L’adaptation cinématographique d’une bande dessinée n’est pas chose aisée. Elle fait appel à plus de dextérité de la part des réalisateurs. D’où les problèmes rencontrés pendant son adaptation

II- QUELQUES PROBLEMES A L’ADAPTATION D’UNE BANDE DESSINEE AU CINEMA

Bande dessinée et film sont à priori deux médias au fonctionnement spécifique. Dès lors, certains aspects de la bande dessinée ne peuvent être traduits au cinéma. D’autres au contraire sont conservés. Leur traduction est alors possible soit, parce que le cinéma offre des outils qui le permettent soit, parce que la structure et le texte de la bande dessinée se prêtent plus facilement à une traduction vers l’autre média.

Adapter des œuvres de bande dessinée n’est pas toutefois, une démarche simple, il faut au préalable s’interroger sur la cible. Aussi, se poser la question du public auquel ces adaptations sont destinées, enfants ou adultes, du contexte de lecture qu’elles visent.

Dans l’adaptation en bande dessinée, la question centrale est donc d’une plus ou moins grande proximité à l’égard de la source dont on donne sa version filmique fidèle, émancipée ou encore décalée.

Tout d’abord, nous étudierons les caractéristiques matérielles propres à la bande dessinée qui empêchent sa transposition pure et simple vers le cinéma. Celles-ci proviennent du fait que l’on soit en présence de deux médias physiquement dissemblables.

Ensuite, nous analyserons le fonctionnement des outils orientant l’adaptation et l’émission de son dans les deux médias.

Enfin, le rapport entre le personnage de papier et celui de cinéma incarné par un acteur.

1– L’incompatibilité des dimensions

Au cinéma comme le dit Benoit Peeters[9]« chaque nouveau plan, en dehors de son contenu » est « inattendu, on ne pouvait pas le prévoir » aucun aperçu préalable ne peut être possible. De même qu’on ne peut le prévoir, on ne peut pas s’y arrêter ni revenir dessus librement. Le parcours de lecture est imposé. En bande dessinée, il en va autrement : le lecteur en ouvrant sa bande dessinée tombe sur une page puis sur des doubles de pages. Son regard va pouvoir se porter sur l’ensemble et en appréhender les caractéristiques principales. Ce ne sera qu’après que les cases seront déchiffrées les unes après les autres.

De plus, lors de cette lecture chronologique, la vitesse et la prise d’informations vont varier d’une case à l’autre. Certaines ne seront que survolées, les autres contemplées. Enfin, la lecture de bande dessinée peut être ponctuée par des retours en arrière, le lecteur revenant sur les détails d’une case précédente. Ce parcours de lecteur reliant la bande dessinée, à sa structure physique entrainera une stratégie dans la disposition des cases. « Ainsi, la première et la dernière case sont l’objet d’un grand soin ». [10] Le lecteur  a en effet tendance à être attiré par la suite du récit et à glisser sur la première case.

Dans le tome 1 d’Aya de Yopugon, nous voyons dès la première page, une planche ne comprenant qu’une seule vignette.  Le lettreur a pris le soin de la réaliser en  plan moyen afin de permettre au lecteur  d’imaginer la suite de l’histoire surtout  avec le décor de la photo de famille affichée au mur qui donne un aperçu des différents protagonistes de ce scénario. La seconde planche (planche2) présente une première vignette avec un plan général sur la famille d’Aya. Elle fonctionne de façon horizontale. La première vignette est suffisamment dense, elle contient tous les acteurs qui participeront à la construction du récit qui va se dérouler tout au long du livre. A la page (3) la dernière vignette de la planche concentre tout le suspens qui oblige le lecteur à tourner la page afin de savoir ce dont il est question dans les planches suivantes. Comme l’indique cette expression, « Et c’est alors que les choses commencèrent à se gâter… » (P.3, Tome1) avec la présentation d’un téléphone. Ce plan moyen sur le téléphone entretien un parallélisme avec la planche suivante (P4) qui nous présente aussi un téléphone. La reprise de la vignette sous un angle différent prend en compte le fait que le lecteur ne s’arrête pas sur cette case lors du premier passage de son regard. « La dimension de la case se plie à l’action qui est décrite (…) La bande dessinée contient deux dimensions face au cinéma qui lui contient une seule » [11]. En effet, les images se suivent dans l’espace et dans le temps en bande dessinée tandisqu’au cinéma elles ne se suivent que dans le temps.

Par ailleurs, nous savons que la case est un élément structurel du récit de la page de bande dessinée et que sa place au sein de celle-ci a un impact sur le récit. Nous savons également que cette page case rentre dans un ensemble constitué par la page ou encore la double page formant une unité graphique. D’ailleurs, certaines planches de bandes dessinées sont souvent utilisées comme affiches. La case oscille donc entre autonomie et dépendance.

En effet, prise entre deux dimensions de la bande dessinée, la vignette  « repose chaque instant sur une tension entre le récit et le tableau ». Benoit Peeters parle alors de la vignette de bande dessinée « comme une image en déséquilibre »  [12]à la fois écartelée entre celle qui la précède et celle qu’elle suit et parfois par son désir d’autonomie et son inscription dans le récit.

Au cinéma, nous relevons un dynamisme similaire bien que le fonctionnement narratif audiovisuel diffère. Comme le dit Pierre Beylot, la communication narrative audiovisuelle relève de la monstration et de « la narration proprement dite ».[13]

Tout d’abord, il faut noter que le cinéma relève de la monstration : «  il donne à voir par des images mouvantes des personnages et des sons en actes et le monde dans lequel ils évoluent »  [14]pourtant, la monstration n’est pas une « transcription directe  transparente de la réalité ».  Elle implique des choix dans la construction du monde représenté ce monde ne nous apparait pas directement mais par l’entremise d’un dispositif prise de vue. La réalité nous est soumise de voir selon un cadre donné des éclairages décidés ou des mouvements de caméras définis. Le plan unique relève donc de « la narrativité mimétique »[15].

Cependant, si le plan a une dimension narrative, c’est l’agencement des plans avec le montage qui crée le récit. Le plan est alors pris entre sa valeur propre et sa place dans l’agencement des différents plans. Le récit peut-être toutefois soutenu par un seul plan grâce à un travail sur la composition ou encore la mobilité de ce dernier. On retrouve ceci dans le cas du montage par plan où plusieurs actions vont pouvoir se dérouler simultanément en jouant sur la profondeur de champ. Il reste que même s’ils ont une autonomie plus grande, ces plans demeurent écartelés entre le plan précédant et celui qui suit. Comme nous l’avons vu avec la bande dessinée, ce rapport est en déséquilibre. Ainsi, L’image mouvante a intrinsèquement une dimension narrative pourtant chaque plan n’est pas systématiquement un récit.

Il en découle de ce qui précède que la construction des dimensions dans la réalisation d’une bande dessinée et celle  dans la réalisation d’un film sont différentes. Il n’en demeure pas moins quant à la représentation du son tant au cinéma que dans la  bande dessinée.

2- La représentation du son

Il existe des différences de fonctionnement qui deviennent des outils orientant l’adaptation. Ainsi, les bandes dessinées bien qu’elles n’émettent aucun son réel ne sont pas muettes mais présentent un univers sonore de façon abstraite.  « Contour et contenu laissent transmettre une parole précise ».[16]. Les phylactères dans Aya de Yopougon désignant les paroles d’Aya et des autres personnages sont en forme rectangulaire exceptées celles de Monsieur Sissoko père de Moussa qui ont parfois un contour rond. Les contours brisés traduisent les bruits soit les bruits humains soit ceux musicaux. Cette distinction est indispensable étant donné que lors de la lecture, le sens mis à part, elle permet au lecteur de savoir de quel type de son proviennent les paroles ou les bruits révélés dans l’œuvre. Ce problème ne se pose pas au cinéma car les différents bruits à savoir (la parole, les vociférations, les klaxonnements des véhicules, la musique) ont des sons divers.

 En ce qui concerne la parole, notons qu’il existe dans ces textes de Marguerite Abouet, plusieurs types de contour selon le timbre et l’état d’âme du personnage qui parle. Ainsi, dans l’incipit du tome1 nous avons des cases aux contours rectangulaires mais sans filatures qui représentent la voix off. En cinéma, dans les trois premières planches, le personnage qui parle n’est pas dévoilé. Les cases aux contours brisés marquent l’incompréhension, l’étonnement ou la colère. Aussi faut-il noter  dans la première vignette de la page (73) du tome1 le courroux de monsieur Sissoko « Parmi toutes les filles d’Abidjan, c’est celle-là que tu as vue pour aller enceinter ??? », (page 57 du tome 2) : « Moussa tu te moques de qui là ? Tu as cinq secondes pour te préparer » (page 57 du tome 2). En outre, il existe aussi dans les deux œuvres,  des contours ronds qui marquent les scènes d’explication. Tel est le cas de Moussa qui explique son accident parlant  de grossesse à son père en ces termes : « mais je peux tout vous expliquer en détails… » (quatrième vignette de la page 72 du tome 1). En ce qui concerne les klaxonnements de véhicules, ils sont traduits par des onomatopées « piiiiiiiinnnnnnnn-piiiiiiiiinnn » (page7).

Enfin, le son des musiques : celui-ci est traduit par des contours brisés à l’intérieur desquels nous avons des notes de solfège (des rondes, des blanches, des noirs, des doubles croches…). A la p.70 du tome2 des doubles croches et des noirs qui accompagne quelques mots de la chanson de Chantal Taïba en soutient aux éléphants  « Ayo ayo ayoo. Ayosé …Eléphant ».

En somme, le contour permet de donner un indice sur le timbre de la voix. Aussi,  l’intonation, il révèle l’état d’âme et le sentiment des personnages.

Par ailleurs, le son est transmis grâce à la taille des lettres ou grâce au fait qu’elles soient en gras ou non. Plus la lettre est grande plus il semble que le volume du son est élevé. De même, les caractères épais marquent l’insistance du locuteur.

 Il en découle de ce qui précède que la réalisation d’un film implique nécessairement le traitement du son mais aussi du personnage.

3- La représentation du personnage

Il  existe un rapport semblable entre le personnage de papier et celui de cinéma incarné par un acteur. Le personnage de papier fixe un certain nombre de caractéristiques que l’incarnation par un acteur va tenter de respecter.

Les personnages d’ Aya de Yopougon sont certes des personnages de bandes dessinées mais le dessin de Clément Oubrerie est très réaliste. Par conséquent. Chaque  personnage a un physique et une allure. Cependant dans le cas de la version filmique, les personnages ressemblent de très près à ceux du papier car nous avons affaire à des dessins animés en (2D).

 Il s’agit d’une sorte de reprise des dessins de la bande dessinée d’où la ressemblance entre les différents personnages des deux médiums. La disposition des vignettes contenant les personnages est la même que celle du film. La première vignette de la planche 2 du tome1 présente la même disposition de la famille d’Aya et des amis de la famille dans un plan d’ensemble.

Le personnage au cinéma est à la fois personnage du récit et l’acteur qui incarne ce rôle, il a une double dimension. Ainsi donc, le personnage de bande dessinée acquiert avec l’adaptation cinématographique des caractéristiques supplémentaires provenant de la dimension vivante de l’acteur. Le personnage cinématographique sera marqué par des attitudes, des mimiques, sa voix, une intonation ou un accent à travers sa voix. L’acteur enrichit le personnage et les deux finissent par se mélanger dans l’esprit du spectateur. Le personnage de papier laisse une part à l’imagination alors que le personnage incarné impose un individu vivant et comble ainsi, les vides laissés par la description donnée du personnage.

De plus, le casting d’Aya de Yopougon présente des acteurs connus même s’ils n’apparaissent pas physiquement dans le film. A travers leurs voix, le réalisateur a pu attribuer des rôles ce sont les acteurs comme la célèbre comédienne ivoiro-française Claudia Tagbo, La rappeur malien Mokobé, la talentueuse actrice franco-ivoirienne Tatiana Rojo, la sénégalo-malienne Aïssa Maïga, Tella Pkomahou, Emil Abossolo-Mbo, Eriq Ebouamey, Pascal N’zonzi, Jaky… qui impriment à partir de leurs voix, un caractère spécifique et particulier aux dessins animés.

Le son particulier représenté par la version cinématographique de cette bande dessinée a participé indéniablement à son succès, comme l’indique les résultats de l’enquête ci-dessous présentés.

III-ENQUETE SUR LE SUCCES D’AYA DE YOPOUGON

1-En librairie

Dans la journée du 15 Août 2016, nous nous sommes rendu au siège social de la Librairie de France groupe (LF) sise au Plateau dans le cadre de nos enquêtes. Nous avons pu rencontrer M. Silué responsable de la communication dans ladite entreprise. A la question de savoir quels sont les livres les plus vendus, il nous a proposé deux tableaux montrant d’une part, les statistiques de vente des œuvres de la paralittérature, et d’autre part les données mettant en évidence les ventes enregistrées par les œuvres de la littérature dite savante. Ces ventes sont des estimations de la période allant du 01 Janvier 2008 au 15 Août 2016. Les graphiques ci-dessous, indiquent l’écart de Aya de Yopougon par rapport à ces œuvres, d’où son succès.

Source : Librairie de France Août 2016.

I= (ISAIE BITON: 7307 Exemplaires)

R= (REGINA YAOU: 1222 Exemplaires)

M= (MARGUERITTE ABOUET : 26632 Exemplaires)

DIAGRAMME CIRCULAIRE METTANT EN EVIDENCE LES VENTES DE MARGUERITE ABOUET ET CELLES DES AUTEURS DE LA PARALITTERATURE

HISTOGRAMME METTANT EN EVIDENCE LES VENTES DE MARGUERITE ABOUET ET CELLES DES AUTEURS DE LA LITTERATURE SAVANTE

Maurice Bandama 483 exemplaires
Alain Mabanckou 192 exemplaires
Ahmadou Kourouma 846 exemplaires
Bernard B. Dadié 4523 exemplaires
Fatou Keita 4696 exemplaires
Marguérite Abouet 26632 exemplaires

Source : Librairie De France Août 2016.

2-Enquête sur Aya de Yopougon en salle

Après l’âge d’or du cinéma ivoirien qui s’est manifesté par la production massive d’œuvres cinématographiques et la participation du public à l’essor de ce genre artistique, nous avons constaté une période de latence avec la vulgarisation des chaines de télévision,  l’avènement des décodeurs. Cependant, la production des films tel que Aya de Yopougon ont ravivé le goût du cinéma chez les Ivoiriens.

Toutefois, dans le cadre de nos enquêtes,  nous nous sommes rendus à Sofitel-hôtel ivoire siège social des salles de diffusion cinématographique en Côte d’Ivoire, le 14 Août 2016. Nous avons pu rencontrer, M. Agbré Sylvain, directeur d’exploitation de Majestic Côte d’Ivoire.

 Ce dernier nous a fait savoir que, depuis le 15 Mai 2015, leur entreprise avait racheté les cinémas Prima Vera et La Fontaine qui n’avaient pas le matériel informatique nécessaire pour la sauvegarde des données. Par conséquent, cela leur était difficile de nous donner  des informations en rapport avec le nombre de spectateurs que Aya de Yopougon et bien d’autres films ont pu enregistrer.

 Toutefois, nous avons appris par le biais de M. Ponty ancien percepteur au cinéma (La Fontaine) que les différentes diffusions de Aya de Yopougon dans les salles de cinéma (La Fontaine et Prima center) ont refusé du monde avec une fréquence de diffusion  d’en moyenne 2 fois  par jour. Durant deux semaines le cinéma la fontaine a enregistré 8400 spectateurs et celui de Prima-Vera 7.056 spectateurs soit un total de 15.456 pour les deux diffusions.

 Par ailleurs, il y a eu des projections privées  réclamées par les entreprises et les institutions internationales à savoir  (Save the children, Orange Côte d’Ivoire, Shell, Lonaci, Petroci). Le cumul de toutes ces diffusions nous donne un total de 25.656 spectateurs. Il va s’en dire que les résultats favorables obtenus par Marguérite Abouet témoignent de son succès et de sa fortune dans le champ littéraire ivoirien.

 

CONCLUSION

Comme épilogue, nous pouvons dire que l’ensemble des outils appliqués à notre thème a permis de faire l’inventaire des adaptations cinématographiques des bandes dessinées en Côte d’Ivoire. Aussi les mécanismes d’adaptation mis en évidence dans cette étude, ont-ils permis d’en déduire que les caractéristiques matérielles propres à la bande dessinée, empêche sa transposition pure et simple vers le cinéma. Cela se perçoit tant au niveau des dimensions que de la représentation du son et du personnage. Nous avons par ailleurs à partir d’une enquête suivant les théories de la réception, étudié le succès d’Aya de Yopougon et son auteur. Ce qui nous amène par conséquent à affirmer que le champ littéraire ivoirien n’est plus le fait d’un effet discursif.

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[1]http:// www.youtube.com, Site visité le 18-06-2017.

[2] Idem.

[3] Ibidem.

[4] Ibid.

[5] http://www.youtube.com. Op.cit.

[6] Idem.

[7] Ibidem.

[8] Ibid.

[9] Benoit Peeters, Lire la bande dessinée. Flammarion, Coll. « Champ », P.50.

[10] Benoit, Peeters, Op.Cit, p.19.

[11] Ibidem.

[12] Ibid.

[13] Benoit Peeters, Op. Cit., p.50.

[14] Pierre Beylot, Le récit audiovisuel, Paris, Armand, Colin, Coll. « Cinéma », 2005, p.16-17.

[15] Idem, p.17.

[16] Gasca Luis, Guberns Roman, El discurso del comic, Espagne, Catedra, e imagen.

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